Une étudiante confrontée à l’échec lors de la présentation de sa thèse plaque tout et devient vendeuse de chaussures avant de se découvrir un don pour le Mah-jong, mais la folie des mathématiques la rattrape.
LE THÉORÈME DE MARGUERITE
Troisième long métrage d'Anna Novion sur la trajectoire de son héroïne surdouée en mathématiques pour élucider le mystère du théorème de Goldbach.
LE THÉORÈME DE MARGUERITE | Synopsis
L’avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l’ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.
LE THÉORÈME DE MARGUERITE | Autres Avis
«Aussi étonnante que remuante, cette merveille surprend par son sujet : une romance mathématique ! Ce troisième long-métrage d’Anna Novion a tout du thriller scientifique et amoureux et dresse le portrait d’une jeune femme aussi singulière qu’attachante.» – Le Parisien | «Délaissant le portrait sociologique d’un milieu, le film part en quête d’une initiation à la mesure de cette jeune femme hors norme.» – Cahiers du Cinéma | «Anna Novion nous livre un film très maîtrisé, porté par une actrice très en phase avec ce rôle à la fois naïf et sophistiqué.» – àVoir-àLire
Critique d’Ondine Perier
Les mathématiques comme passion obsessionnelle
La brillante Marguerite présente sa thèse sur la fameuse conjecture du théorème de Goldbach, un des plus anciens mystères mathématiques à ce jour sur les chiffres premiers. Elle est en dernière année à l’ENS et contre toute attente, elle échoue lors de sa présentation puisque son rival Lucas, trouve une faille dans son raisonnement qui va invalider tout son développement. Les mathématiques sont présents tout le long dès la première partie dans cette prestigieuse école où dans les salles de classe sont installés d’immenses tableaux noirs à étages pouvant être agencés sur trois niveaux. Astuce permettant d’avoir la place suffisante aux formules à rallonge. Ces tableaux saturés de symboles s’avèrent davantage cinématographique qu’anxiogène et c’est là une des grande force du film : rendre les mathématiques accessibles et même attractifs. Marguerite démissionne de sa thèse après cet échec et suite son entrevue lapidaire avec son directeur de thèse qu’elle admire tant Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin, impeccable) qui lui conseille de se faire accompagner par quelqu’un d’autre. Marguerite emménage dans le 13ème en collocation avec sa nouvelle amie Noa, une danseuse dévergondée au franc-parler. elle se confronte enfin à la vraie vie et travaille en tant que vendeuse de chaussures pour payer sa part du loyer. Elle pense en avoir fini avec les mathématiques mais en s’adonnant au jeu du mah-jong avec les voisins du quartier, ils vont la rattraper et son obsession pour résoudre Goldbach se réveille à nouveau. Une mathématicienne de renom Ariane Mézard s’est fortement impliquée sur le film pour transmettre sa passion à la formidable actrice qui campe Marguerite – Ella Rumpf. C’est en l’observant chaque semaine pendant quatre mois que la jeune actrice franco-suisse s’est imprégnée de la gestuel et des préoccupations si envahissantes propres aux mathématiciens. Le résultat est sidérant.
Un récit d’émancipation
Marguerite apparaît au tout début du film comme le cliché de la thésarde, mal fagotée, sans une once de féminité, ultra-discrète, sa seule excentricité réside dans le port de ses chaussons à l’ENS « parce que c’est confortable » répondra t-elle lors d’une interview. Elle n’a aucune interaction avec les autres élèves. Seul son directeur de thèse, personnage dur et trouble, intéressé uniquement par la réussite et quelques échanges téléphoniques avec sa mère interviennent au milieu de ses études. Elle fait la connaissance du séduisant Lucas (Julien Frison, sociétaire de la Comédie française, parfait gendre idéal) et cette rencontre va la bousculer : il est certes son rival – Laurent Werner suit également sa thèse qui porte aussi sur Goldbach – mais il a une tout autre attitude : il joue du tuba dans une fanfare, il manie l’humour et propose à Marguerite de travailler en binôme pour avancer plus vite sur la résolution de la conjoncture sue laquelle il travaille également. Il est ouvert et jovial face à une Marguerite renfermée et inhibée. En quittant la prestigieuse école Marguerite se lie d’amitié avec Noa une danseuse excentrique et libérée, parfaite opposée de notre héroïne, mais qui va éveiller ses sens, Marguerite apprend le lâcher-prise. Cette amitié va l’amener, pour aider sa nouvelle amie, à jouer au Mah-jong pour gagner de l’argent. Elle va s’avérer excellente dans ce jeu qui repose sur des règles de probabilité grâce à ses compétences en mathématiques. Cette activité va inévitablement la faire rechuter mais différemment. On suit le parcours initiatique de Marguerite avec fascination. Ella Rumpf se fond dans son personnage : sa démarche empêchée, son phrasé froid et sec, sa dégaine pataude qui contraste avec la virtuosité avec laquelle elle écrit à la craie les lignes de formules, bref, une révélation.
Pour conclure, LE THÉORÈME DE MARGUERITE nous embarque dans le monde des mathématiques sans que ce ne soit jamais ni austère ni assommant. Le récit initiatique de cette jeune surdouée apporte son lot de tourments et de romantisme. La tournure que prend la relation de Marguerite et Lucas est tout à fait jubilatoire, comme quoi l’amour et les mathématiques peuvent tout à fait cohabiter et de la plus charmante manière. Un film plein d’atouts qui mélange les genres (il prend des allures de thriller lorsque les murs peints en noir dans l’appartement se recouvrent de formules à rallonge) pour le plus grand bonheur du spectateur tenu en haleine jusqu’au bout. L’envoutante musique de Pascal Bideau participe à donner une atmosphère particulière au film de genre, de même que la teinte bleuté des scènes se déroulant dans le salon de Noa et Marguerite.