«Avec l’urgence écologique actuelle, je crois qu’il est vital d’inventer de nouveaux récits qui explorent nos interactions avec le reste du vivant.
Non par le prisme de l’effondrement inévitable, ou d’un énième récit post-apocalyptique, mais en donnant à voir un élan vital, violent et créateur. Une nouvelle frontière. L’idée de la mutation homme-animal permet d’aborder cette question avec un angle physique, concret, dans le corps
des personnages.» Thomas Cailley
LE RÈGNE ANIMAL
Après «LES COMBATTANTS» réalisé en 2014, Thomas Cailley livre son second film, présenté à la section Un certain regard à Cannes cette année.
LE RÈGNE ANIMAL | Synopsis
Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.
LE RÈGNE ANIMAL | Autres avis
«Inventif, fécond, surfant sur tous les genres qu’il s’agisse de la comédie, du fantastique et du drame, Le Règne animal est une franche réussite.» – àVoir-àLire | «Thomas Cailley réussit haut la main un film risqué mêlant fantastique et réalité contemporaine. Un très bon moment de cinéma à la fois haletant et parabolique à divers degrés» – cineuropa | «Un scénario trop éparpillé empêche le film de science-fiction de Thomas Cailley de convaincre, en dépit de la belle performance de Paul Kircher.» – Le Monde
Critique de Djamila Zünd
« Le Règne Animal » brosse avec une grande finesse un tableau évocateur d’une époque, bien qu’ancrée dans notre siècle, qui reste indéfinie. Dans cet espace-temps, le monde est enserré dans les tentacules d’une maladie qui touche toutes les couches de la société, sans distinction d’âge. Cette maladie, dont la médecine peine à comprendre les processus de contagion, jette un éclairage captivant sur les différentes réactions et adaptations des individus à un monde en mutation, redéfini par cette épidémie.
Au cœur de l’agitation incessante de la vie quotidienne, le film met en lumière comment les émotions les plus douces et empreintes d’empathie peuvent être étouffées entravées ou même remplacées par l’indifférence, l’intolérance, les préjugés et le mépris envers la diversité. Le changement, lui, réside dans l’initiative de ceux qui choisissent la compassion, laissant leur curiosité naturelle les guider vers la découverte de leur environnement et de leurs semblables, dans le noble but d’atteindre une harmonie édénique.
« Elle a de ces lumières au fond des yeux / Qui rendent aveugles ou amoureux »
Pierre Bachelet, dans sa chanson « Elle Est D’ailleurs » (1980) qui fait partie de la bande originale du film) reflète magnifiquement l’un des thèmes de cette production qui mêle si habilement différents genres. Avant de devenir un film catastrophe avec un virus provoquant des mutations dans la population, ou de prendre les atours de la science-fiction avec l’apparition spectaculaire de diverses créatures, il reste avant tout un drame familial.
Le récit se concentre sur un époux, joué par Romain Duris, profondément épris de sa femme, accompagné de son fils, interprété par Paul Kircher. Ensemble, ils font tout leur possible pour maintenir un semblant de normalité dans un monde en proie à des tensions sociales croissantes. Ils traversent les différentes étapes de la maladie de l’épouse, prenant la décision de quitter Paris pour se rendre dans les Landes de Gascogne, où elle peut recevoir des soins dans un centre spécialisé pour des cas similaires.
Après la fuite de la mère du centre, père et fils se lancent simultanément dans un processus de rapprochement et de compréhension mutuelle. Cette quête les met au défi, d’une part, du désir du père de renouer avec sa femme dont ils sont désormais séparés, et d’autre part, du cheminement du fils à travers les turbulences de l’adolescence. Il doit réévaluer sa perception du monde qui l’entoure tout en jonglant avec les transformations propres à cette période. Il se trouve ainsi tiraillé entre le désir inébranlable de son père de retrouver sa mère et son propre parcours dans un environnement en constante évolution. De plus, cette transition se déroule alors qu’il entre dans un nouvel établissement scolaire, où en plus des stéréotypes courants, présents dans les cours de récréation, comme les moqueries liées aux diagnostics de TDAH ou les taquineries concernant ses sentiments amoureux, s’ajoutent également les railleries envers les individus qui se sont transformés en « bestioles ».
« Vers d’autres lieux, d’autres rivages »
Thomas Cailley et la talentueuse coscénariste Pauline Munier ont fait preuve d’un choix judicieux en plaçant l’intrigue au cœur des magnifiques forêts et des champs fertiles des Landes. Cette décision éloigne l’intrigue des métropoles aseptisées, créant un lien fascinant entre modernité et tradition.
Le fossé générationnel entre le père et le fils, non seulement dans leur façon de s’exprimer mais aussi dans leur façon de penser, s’intègre harmonieusement à l’ensemble de l’histoire. Les camarades de classe d’Émile (Paul Kircher), en perpétuant les traditions de leurs ancêtres à travers des fêtes et le port de costumes régionaux, ajoutent une dimension envoûtante à l’intrigue. Ces éléments traditionnels s’intègrent naturellement au scénario, donnant lieu à des séquences à couper le souffle où les bergers landais, vêtus d’échasses, se lancent dans leur chasse rituelle au loup. L’histoire s’enrichit ainsi d’une touche de magie et de fascination, tissant un lien indélébile entre passé et présent, modernité et tradition.
En conclusion, préparez-vous à un voyage cinématographique inoubliable, avec des performances époustouflantes de Romain Duris et Paul Kircher, le tout offrant un nouveau regard sur le thème des épidémies, aux relents de la pandémie de Covid-19 (avec contagion, méconnaissance de la maladie, impuissance du corps médical et mise en quarantaine à l’appuis). Découvrez un cinéma français qui fait (littéralement) peau neuve en continuant de nous inspirer et d’alimenter notre passion pour le septième art.