Le réalisateur Guan Hu crée une œuvre visuellement puissante, entre western et néo-noir, marquée par le réalisme social d’un Jia Zhang-Ke, qui apparaît dans un rôle secondaire aux côtés de la superstar Eddie Peng. BLACK DOG a reçu le premier prix du jury dans la série Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024.
BLACK DOG
L’émouvante histoire d’un homme qui, au détour du destin, se lie d’amitié avec un compagnon inattendu.
BLACK DOG | SYNOPSIS
À sa sortie de prison, Lang revient dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Engagé dans une patrouille chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il se prend d’amitié pour un lévrier noir jugé dangereux … Avec Black Dog, Guan Hu signe une allégorie saisissante mêlant western néo-noir, humour laconique, burlesque et réalisme social de la veine de Jia Zhangke. Celui-ci joue d’ailleurs dans le film, aux côtés de Eddie Peng, impressionnant de sobriété dans le rôle principal.
BLACK DOG | AUTRES AVIS
«Une magnifique déclaration d’amour, chaleureuse et authentique, au meilleur ami de l’homme.» – Deutschlandfunk Kultur | Un film qui peut vous redonner foi en la force d’impact du cinéma.» – SPOT media & film | «Le langage visuel puissant de Guan rend BLACK DOG toujours intéressant […] Ce film est le néo-noir le plus bienfaisant que nous ayons vu depuis longtemps.» – IndieWire | «Le film nous aimante dans ses accès de noirceur millimétrée, dans son minimalisme et ces bouts de scène jamais filmés in extenso. Ainsi morcelée, l’expérience visuelle nous rend attentif à chaque image manquante, et au moindre signe (…).» – Le Monde
Critique par Ondine Perier
Un chien errant dans un monde à la dérive
Le réalisateur chinois Hu Guan frappe fort avec BLACK DOG, un film inclassable qui oscille entre thriller noir, western moderne et conte dystopique. Dans cette ville fantôme aux portes du désert de Gobi, où l’homme tente de domestiquer le chaos pour attirer les capitaux, un héros mutique et charismatique, Lang, joué par Zhang Yi, incarne une humanité vacillante. Prix Un Certain Regard à Cannes, ce film est un choc esthétique et émotionnel.
Ancien cascadeur, Lang revient dans sa ville natale après des années d’incarcération et accepte un travail pour la patrouille locale chargée d’éliminer les chiens errants. Derrière cette mission triviale se cache une allégorie cruelle : débarrasser la ville de ses éléments indésirables pour la rendre plus attrayante avant les Jeux Olympiques de Pékin 2008. La dictature chinoise rôde en filigrane, dictant le sort des laissés-pour-compte. Mais une rencontre bouleverse Lang : un lévrier errant qu’il ne peut se résoudre à abattre. Dès lors, le film prend une tournure contemplative et poignante, où l’amitié entre l’homme et l’animal devient un rempart contre un monde déshumanisé.
Le réalisateur jongle habilement entre violence et poésie, entre le suspense d’un règlement de compte avec un boucher impitoyable et des instants suspendus d’errance dans une ville rongée par l’ennui. Les habitants, en quête de sens, attendent une éclipse solaire comme un miracle, tandis que la télévision diffuse en boucle la préparation des Jeux. Les paysages désertiques, sublimés par un chef opérateur inspiré, renforcent cette impression d’abandon et de solitude. Parmi ces décors ubuesques, un zoo à l’abandon où un tigre affamé rôde, accentue le malaise d’un monde qui broie tout ce qui ne lui est plus utile.
Conclusion
Si le film s’autorise quelques maladresses scénaristiques, sa mise en scène magistrale compense largement. Zhang Yi livre une performance bouleversante, transformant Lang en un homme taciturne mais profondément bon, que l’amour naissant d’une circassienne tente d’humaniser davantage. Mais c’est surtout son lien avec le chien qui éclaire son parcours : deux âmes solitaires qui se protègent l’une l’autre dans une société qui ne leur laisse aucune place. Et lorsque Lang enfourche sa moto pour une ultime cascade, son compagnon de galère à ses côtés, BLACK DOG nous rappelle que certaines errances n’ont pas de fin, mais qu’elles forgent une existence. Un chef-d’œuvre à la beauté brute.