Après avoir réalisé six films ces quatre dernières anées, le réalisateur spécialiste de la comédie absurde et ultra courte – autour d’une heure en général –, estime qu’il est temps pour lui de fermer son clapet. Il annonce d’emblée qu’il ne donnera aucune interview pour ce film qui « très bavard dit avec des mots bien choisis tout ce que j’ai envie de dire et contient déjà de façon extrêmement limpide sa propre analyse ».
LE DEUXIÈME ACTE
Quentin Dupieux présente son 13ème long-métrage en ouverture de la 77ème édition du festival de Cannes.
LE DEUXIÈME ACTE | Synopsis
Florence veut présenter David, l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part.
LE DEUXIÈME ACTE | Autres avis
«La dernière comédie de Quentin Dupieux, réalisateur prolifique, nous plonge avec délice dans le vertige existentiel du métier d’acteur, à travers une mise en abyme virtuose et drôlissime.» – La Croix | «Dupieux nous régale avec ce scénario malin, qui évoque l’ego des acteurs, les rivalités, le rôle de l’intelligence artificielle dans l’industrie du cinéma et, bien sûr, #MeToo.» – Le Parisien | «Le cinéaste, dont le film fait l’ouverture du 77ᵉ Festival de Cannes, détourne les clichés, balance des coups de pied dans la bien-pensance. Naturel et bouffonnerie lui tiennent lieu de style.» – Le Figaro
Critique de Djamila Zünd
L’Art de Surprendre sans Promotion
Après avoir séduit avec YANNICK en août 2023 et captivé avec DAAAAAALÍ! en février 2024, Quentin Dupieux établit désormais un rythme effréné de sorties cinématographiques, offrant à son public des œuvres régulièrement, tous les quelques mois. Sans faire de promotion pour son film, il revient aujourd’hui avec LE DEUXIÈME ACTE, une comédie satirique qui ouvrira le prestigieux festival de Cannes ce soir. La bande-annonce, d’une subtilité saisissante, semble ne dévoiler que peu de l’intrigue, mais annonce pourtant haut et fort un tourbillon de complications habilement orchestrées. Elle met en avant la prouesse technique du tournage avec ses plans séquences et travellings latéraux époustouflants qui immergent le spectateur au cœur de l’action, ajoutant une couche de proximité et d’intimité. Avec une distribution de premier plan, nous retrouvons Raphaël Quenard, vedette de YANNICK. Léa Seydoux, quant à elle, réapparaît vêtue d’une doudoune dans un cadre rural, rappelant inévitablement son film inaugural, L’ENFANT D’EN HAUT (2012). Cette fois-ci, la doudoune est jaune, évoquant forcément l’emblématique voiture jaune de Dupieux dans son autre film, WRONG (2012). Vincent Lindon entre en confrontation avec le personnage de Quenard, créant un face-à-face entre deux générations qui semblent en désaccord, ou peut-être pas ? Louis Garrel incarne la voix « woke » en quête perpétuelle du politiquement correct, tandis que Manuel Guillot brille dans son rôle – sans que nous ne dévoilions trop – permettant ainsi au spectateur de savourer le tourbillon émotionnel qu’il traverse.
La musique comme éclairage pour déchiffrer le film
Dupieux accorde une importance considérable à la sélection de ses morceaux musicaux, allant bien au-delà de la simple décoration des scènes. La musique revêt un rôle crucial en devenant le pilier même de l’expérience cinématographique. Dans LE DEUXIÈME ACTE, dès les premières secondes, sa disparition soudaine à la fin du générique laisse entendre au spectateur que cette bande-son ne se limitera pas à un simple arrière-plan musical, mais constituera plutôt un élément narratif essentiel. C’est comme si le film se déployait comme un puzzle complexe, chaque pièce ajoutant une nouvelle couche à l’intrigue. Dupieux manie avec habileté les frontières entre le monde fictif et la réalité, brisant à répétition le quatrième mur pour engager directement le spectateur dans le récit. Cette stratégie ne fait pas que nous captiver, elle nous pousse à remettre en question notre perception de « la réalité », transformant ainsi le simple visionnage en une expérience cinématographique profonde et révélatrice, mettant en lumière certaines failles intrinsèques de l’industrie cinématographique elle-même.
Mot de la fin
Ne nous le cachons pas : ce film sera probablement plus exigeant pour le grand public que YANNICK, dont l’intrigue en huis clos était plus accessible. Pourtant Dupieux démontre – avec éclat – ce que les maîtres du théâtre prêchent sans relâche : « Less is more ». Sans recourir à des paysages grandioses ni à des budgets astronomiques pour les décors, les costumes ou les effets spéciaux, le cinéaste offre un véritable cours magistral de création cinématographique. En intégrant à la narration des problèmes d’une actualité brûlante et en critiquant ouvertement les tabous de l’industrie cinématographique, il propose un film qui sera certainement le point de départ de discussions animées pour son public.