«Jeanne du Barry» de Maïwenn ouvre la grande messe du cinéma international à Cannes et sort le même jour sur grand écran en France et en Suisse romande.
Jeanne du Barry
Un portrait flamboyant d'une transfuge éprise d'amour et de liberté. Critique de Djamila Zünd.
__h2. Jeanne du Barry | Synopsis
Jeanne, fille du peuple avide de culture et de plaisirs, met à profit ses charmes et son intelligence pour gravir un par un les échelons de la société. Elle devient la favorite du roi Louis XV, qui ignore sa condition de courtisane mais retrouve auprès d’elle le goût de la vie. Les deux tombent éperdument amoureux. Contre toutes les convenances, Jeanne s’installe à Versailles. Et son arrivée scandalise la cour…
Maïwenn Le Besco naît le 17 avril 1976 aux Lilas en Seine-Saint-Denis. Sa première apparition au cinéma remonte à 1981, dans le film «L’Année prochaine…si tout va bien» de Jean-Loup Hubert. Et en 1983 elle joue le personnage d’Isabelle Adjani enfant dans «L’Eté meurtrier» de Jean Becker. En 2001, elle joue son one-woman-show auto-biographique sur sa famille, intitulé «Le Pois chiche, sur la scène du Café de la Gare. C’est un succès. Claude Lelouch la fait tourner dans son film choral «Les Parisiens» en 2004 et de nouveau en 2005 dans «Le Courage d’aimer» avec Mathilde Seigner. Maïwenn réalise en 2004 son premier court-métrage «I’m an actrice». Forte de cette expérience, elle se lance dans un long-métrage «Pardonnez-moi», où les névroses familiales tiennent la première place, sort en 2006. Un premier essai concluant qui lui vaut deux nominations aux Césars, dans les catégories Meilleur espoir féminin et Meilleure première œuvre. Elle récidive en 2009 en réalisant un deuxième film aux allures de faux documentaire «Le bal des actrices». En 2009 son troisième film, «Polisse», qui se déroule au sein de la Brigade de Protection des Mineurs à Paris, fait un carton avec près de 2,5 millions de spectateurs. Consécration, Maïwenn reçoit le Prix du Jury lors de la 64ème édition du Festival de Cannes. En 2015, son nouveau long-métrage, «Mon roi» est sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes. En février 2021, elle reçoit une nomination pour le César de la meilleure réalisation pour «ADN».
Critique de Djamila Zünd
Maïwenn nous plonge brillamment dans la vie de Jeanne Vaubernier, plus connue sous le titre de comtesse du Barry, à travers son dernier film «Jeanne du Barry», présenté hors compétition au Festival de Cannes. Ce long métrage explore avec finesse et maturité l’histoire de cette favorite du roi Louis XV. Il met en lumière des thèmes marquants tels que la violence physique résultant du contrôle coercitif exercé par le comte du Barry sur cette femme qui n’était encore qu’une courtisane à l’époque. Il explore également les aspects de la sexualité à la cour, où les affaires privées deviennent des affaires d’État. En outre, le film explore les interactions sociales à Versailles, caractérisées par la jalousie, la rivalité et les jeux de pouvoir qui régissent ce milieu, qui cherche constamment à s’attirer les faveurs du roi ou du dauphin. Cette immersion captivante dans la relation grandissante de Jeanne avec le roi est soutenue par des décors soigneusement choisis et des paysages magnifiquement filmés. Maïwenn offre une exploration cinématographique inoubliable de cette période historique, qui précède de peu la chute de la royauté française avec la Révolution.
Reine d’un jour
Ce film nous plonge dans la vie de Jeanne du Barry, magnifiquement interprétée par la réalisatrice elle-même dans le rôle flamboyant de la courtisane. L’intrigue s’ouvre sur sa jeunesse, sa formation intellectuelle dans une famille bourgeoise où elle remplit humblement le rôle de servante. C’est dans la lecture passionnée que Jeanne trouve un refuge, une échappatoire vers un monde qui lui offre la liberté et l’épanouissement auxquels elle aspire. Elle nous entraîne ensuite dans un voyage fougueux à travers les aléas de ses années à la cour, où sa liaison tumultueuse avec le roi est révélée avec force de détails. C’est dans cette sphère qu’elle retrouve une certaine liberté. Tout au long du film, une voix off guide habilement le spectateur, condensant les épisodes de la jeunesse et de la vie de Jeanne pour les rendre intelligibles et déplaçant rapidement la narration vers les épisodes que la réalisatrice a jugés pertinents pour l’histoire. Le lien entre Jeanne et le roi s’enracine dans les ambitions dévorantes du comte du Barry, son compagnon de vie. Le désir ardent du comte d’accéder à la cour se reflète dans Jeanne, son précieux sésame pour y parvenir. Dans une scène touchante, Jeanne découvre la fève enfouie dans sa part de galette des rois, une pièce d’or à l’effigie du souverain. Alors que la relation entre le comte et Jeanne vieillit, celui-ci orchestre la rencontre décisive entre Jeanne et le roi, ce qui propulsera notre héroïne au cœur du palais royal. Dans cette scène, au milieu d’un tourbillon d’intérêts personnels cherchant constamment leur part du gâteau, Jeanne reste fascinée par le visage impérial gravé sur la fève. Reste à savoir ce qui motive son amour, l’amour des richesses ou l’amour de l’homme. Cet exemple éloquent met en lumière le génie de la réalisatrice, éblouissante non seulement par son jeu mais aussi par ses choix de mise en scène. En quelques plans soigneusement choisis, elle parvient subtilement à faire passer des messages profonds sans avoir recours aux mots.
Silence à Versailles
Le film se distingue par une sélection de plans soigneusement choisis qui mettent en valeur la grandeur du château de Versailles, et par un langage visuel puissant qui relègue parfois les dialogues à l’arrière-plan pour laisser l’image s’exprimer pleinement. Par exemple, la fascination de la jeune courtisane pour sa nouvelle vie est symbolisée par de magnifiques plans des somptueux décors du château de Versailles, la rivalité entre les filles du roi, soutenues par la jeune Marie-Antoinette, est illustrée par des vues du parc de Versailles sous un orage éclatant. Avec une habileté remarquable, la réalisatrice saisit toutes les occasions de donner la parole à l’image, privilégiant les scènes silencieuses où les regards échangés l’emportent largement sur la puissance d’un dialogue élaboré. Johnny Depp, qui prête sa voix au roi Louis XV, livre une performance mémorable dans sa maîtrise de la langue française. Utilisant peu de mots pour s’exprimer, il dégage une souveraineté et une noblesse incroyables, et son accent anglais est à peine perceptible. De plus, il communique énormément à travers son langage non verbal, démontrant ainsi sa maîtrise de l’art de l’interprétation sans tomber dans l’excès. Sa subtilité dans ses expressions faciales mérite d’être soulignée.
Pour conclure
Jeanne du Barry est un véritable festin pour les yeux, regorgeant de détails historiques qui offrent un regard à la fois rafraîchissant et captivant sur les mœurs de Versailles. Il nous plonge dans l’atmosphère exquise de l’époque, révélant les coutumes, la mode et les jeux qui animaient la bourgeoisie et la cour. Le film établit en outre un parallèle frappant avec notre époque contemporaine, mettant en lumière la jeunesse et ses aspirations, ses rêves de grandeur et sa quête insatiable d’une vie épanouie. C’est en cela que Maïwenn, dans son interprétation, incarne parfaitement ces idéaux. Passionnée de lecture et de poésie, elle imprègne son personnage d’une passion enivrante et d’un romantisme exaltant. Le film nous permet ainsi de nous rapprocher profondément de Jeanne, de nous identifier à elle et de partager ses aspirations les plus profondes. Il s’agit d’un véritable voyage dans le temps, où les émotions et les ambitions résonnent puissamment avec la réalité de nombreux jeunes d’aujourd’hui. Eux aussi aspirent à une vie pleine de sens, refusant de se conformer aux cases étroites dans lesquelles la société les a placés à la naissance.