À l’occasion de la sortie du sublime biopic sur Charles Aznavour, MONSIEUR AZNAVOUR, les deux scénaristes et réalisateurs Mehdi Idir et Grand Corps Malade, de passage à Genève pour présenter leur film en avant-première, ont répondu à nos questions. Leur admiration pour le grand Charles était palpable. Extraits.
Interview Mehdi Idir et Grand Corps Malade | MONSIEUR AZNAVOUR
- Publié le 22. octobre 2024
«C'est un projet qui a été démarré par Charles lui-même. C'est là qu'il avait envie de produire un film sur sa vie.»
Interview par Ondine Perier
Pouvez-vous nous pitcher MONSIEUR AZNAVOUR ?
GCM : C’est l’histoire d’un enfant de réfugié arménien. Les parents ne parlent pas français. Lui, on dit rapidement de lui qu’il n’est pas très beau, la voix voilée. Donc, il n’a rien pour réussir. Et à force de beaucoup de talent, la découverte de son super pouvoir qu’est l’écriture, et surtout avec une force de travail incroyable, il va devenir la légende de la chanson française que tout le monde connaît.
Quelle a été la genèse du projet ?
MI : En fait, c’est un projet qui a été démarré par Charles lui-même. C’est là qu’il avait envie de produire un film sur sa vie. Il avait fait part à Jean Rachid, qui est son gendre et qui est aussi notre producteur et ami. Jean Rachid lui a parlé de nous et lui a montré notre premier film PATIENTS. On a été validés par Charles, qui a aimé notre film et comme vous pourrez le voir dans le film, a toujours aimé donner sa chance aux jeunes talents.
Pourquoi avoir choisi Tahar Rahim pour l’incarner ?
GCM : On n’a pas pensé à lui au départ alors qu’on le connaissait.Un jour, le directeur de casting nous a parlé de lui en disant : «J’imagine que pour Charles Aznavour, ce serait Tahar», parce qu’il savait qu’on le connaissait bien. On s’est regardé en se demandant comment on n’y avait pas pensé avant. C’était pourtant évident avec sa filmographie, son talent, mais aussi sa capacité à de se transformer, à jouer des personnages qui ont existé, à s’oublier complètement pour incarner quelqu’un d’autre. On l’a prévenu. Il nous a dit: Vous êtes fous. Et puis il a réfléchi pendant quelques jours, il a regardé beaucoup d’heures d’archives, d’interviews de Charles sur scène, etc, pour voir s’il arrivait tout de suite à sentir quelque chose. Il nous a rappelés en disant: «Je crois que j’ai envie d’essayer, ça me tente.»
Comment se déroule vos séances d’écriture puis de réalisation à deux ?
MI : Ça se passe plutôt pas mal. Là, ce qui était différent des autres films, c’est qu’il fallait toujours qu’on ait près de nous tous les livres qu’on a pu lire. La première étape a été de lire absolument tout sur Charles, de regarder tout sur Charles, d’écouter tout sur Charles pour connaître toute sa vie et puis créer la timeline de sa vie dans un premier temps. Et puis, une fois que tu as fait déjà tout ce travail, qui est déjà un très, très long travail, il faut être extrêmement minutieux parce qu’on voulait dire la vérité et uniquement la vérité. Ensuite, on commence à dialoguer. Et c’est bien d’être deux parce que ça se fait toujours en ping-pong, ce sont les dialogues qui nous amènent des idées. Ce qui définit bien notre duo, c’est qu’on sait mettre nos égos de côté, on est travaille toujours pour le bien du film et on est très souvent d’accord. 90% du temps, on est d’accord. Et nos acteurs nous disent souvent qu’on a un cerveau pour deux, ce qui n’est pas un compliment en fait (rires).
Les transitions sur scène et les scènes qui décryptent l’inspiration de chaque grand tube, comment ces idées toutes très élégantes vous sont elles venues ?
GCM : On avait notre idée de ce qu’on voulait raconter, de comment on voulait le raconter. Raconter aussi l’acte de création. Comment d’un seul coup, d’une inspiration, on passe à écrire un texte ? Comment on crée ce texte, comment on en discute avec son collègue lorsqu’il travaille en binôme avec Pierre Roche. Vous parliez d’inspiration, ouais, on avait envie de raconter aussi l’acte de création, ce qui n’est pas forcément le plus facile à capter. Il se trouve qu’on est artistes tous les deux, que moi, j’écris aussi des chansons. Donc, peut-être tout ça faisait qu’on avait notre manière de voir l’inspiration et le travail d’écriture.
Le mixage des voix, était ce compliqué à faire ?
GCM: Tahar Rahim chante toutes les parties où Charles Aznavour chante sur scène. Celle qui joue Édith Piaf, Marie-Julie Baud, elle chante aussi vraiment dans le film. Bastien Bouillon qui joue Pierre Roche, idem. On a fait bosser nos équipes de disques, parce que je fais un peu de chansons à côté. On les a fait bosser pour travailler sur les voix des différents acteurs et chanteurs et en sortir un mixage qui respectait les deux voix à chaque fois.
Quelle a été la plus grande difficulté du tournage ?
MI : Ce n’est pas des difficultés, c’est plutôt le fait que la reconstitution historique amène énormément de travail. Le film commence dans les années 30 et finit dans les années 70 et à tous les niveaux, il y a des recherches à faire. Déjà, au scénario, il s’agit de faire des recherches sur les mots, les expressions de l’époque. C’est super enrichissant, tu apprends plein de choses. En prépa avec les équipes, il y a des questions visuelles sur ce que doivent porter les gens, les coupes de cheveux, les chaussures, les voitures, etc. Et puis, on voulait être au plus précis sur la guerre. On a fait lire les scènes à des historiens qui nous ont éclairés.
La force de travail détermination et ambition d aznavour, sont des qualités exceptionnelles chez Aznavour ?
MI : C’est une force de travail incroyable, surtout en tant qu’auteur, à un moment donné, il décide d’écrire une chanson par jour !
Vous soulignez aussi la nouveauté à l’époque de s’approprier les textes en utilisant le « JE ».
GCM : Charles Aznavour, avec ce système-là de dire “JE” a inspiré des générations entières d’auteurs, de rappeurs, des lameurs. Et c’est vrai que décider de dire “JE” et de raconter une petite chose très personnelle qui, du coup, aura un écho hyper universel parce que tout le monde va se prendre cette chose-là pour soi, c’est peut-être C’est peut-être lui qui n’est pas loin d’avoir inventé ce truc-là.
Charles Aznavour, le puissance de l’écriture incarnée ?
MI : Chaque fois qu’on l’a rencontré, il était sur la fin d’un album et il en écrivait un nouveau et puis il écrivait un scénario de film et puis un livre.
Pour conclure, quelle est votre chanson d’Aznavour préférée ?
GCM : je vais faire un peu d’auto-promo car une de mes chansons s’appelle À CHACUN SA BOHÈME. Cn’est pas du tout une reprise. J’ai écrit les paroles sur mon histoire à moi par rapport au milieu artistique, et j’ai la chance d’avoir dans le refrain de cette chanson la voix de Charles Aznavour de La Bohème. Mais c’est vraiment ma chanson préférée. Cette mélodie, je ne m’en lasserai jamais, et ce que ça raconte, la nostalgie, le début du métier d’artiste, la galère. Pour moi, c’est indémodable, je l’ai écoutée 10 000 fois et je pense que je pourrais encore l’écouter 10 000 fois. Je ne m’en lasse pas.
MI : Moi, ça change de jour en jour, de semaine en semaine. Mais en ce moment, je dirais LES DEUX GUITARES. La structure du morceau est incroyable. C’est très, très moderne de commencer très rapidement comme ça par une musique de Tzigane et il y a un espèce de twist, et d’un coup, ça devient très, très lent, très mélancolique, très nostalgique. Les paroles, le refrain, en russe, tout est incroyable.Et puis, c’est la chanson qui ouvre le film.