LE PROCÈS DU CHIEN a valu à son autrice-réalisatrice le Valois du scénario au Festival du film d’Angoulême. Laetitia Dosch qui joue également Avril, personnage principal du film, a répondu à nos questions sur son film singulier et bourré de charme, porteur également de messages forts. Retrouvez l’interview vidéo en cliquant sur l’image ci-dessus ou et en texte ci-dessous !
Interview Laetitia Dosch | LE PROCÈS DU CHIEN
«Le personnage féminin va voir qu'entre les chiens et les femmes, il y a vachement plus de points de ressemblance que ce qu'on croyait au départ.»
En 2013, Laetitia Dosch joue sous la direction de Justine Triet dans LA BATAILLE DE SOLFÉRINO. Elle tourne ensuite avec Christophe Honoré (LES MALHEURS DE SOPHIE), Catherine Corsini (LA BELLE SAISON) ou Maïwenn (MON ROI). Elle interprète le rôle-titre dans JEUNE FEMME, de Léonor Serraille, qui reçoit la Caméra d’or en 2017 à Cannes et lui vaut une nomination aux César. Elle tient ensuite le rôle principal de GASPARD VA AU MARIAGE d’Anthony Cordier, et tourne sous la direction de Guillaume Senez dans NOS BATAILLES. En 2018, elle imagine et crée au théâtre de Vidy-Lausanne le spectacle HATE, un duo singulier entre elle et son cheval. En 2021, on la retrouve dans PASSION SIMPLE de Danielle Arbid et en 2022 à l’affiche notamment de IRRÉDUCTIBLE de Jérôme Commandeur.
Elle a tourné avec de Benoit Delepine et Gustave Kervern dans EN MÊME REMPS ou encore le dernier film de Just Philippot avec Guillaume Canet intitulé ACIDE.
On l’a vu récemment dans LE ROMAN DE JIM de Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Laetitia a réalisé son premier long métrage, LE PROCÈS DU CHIEN, présenté en mai à Cannes dans la section Un certain regard.
Interview par Mathieu Vuillerme
Comment vous est venue l’idée de tourner à Lausanne ?
En fait, c’était là depuis le début de l’écriture de l’histoire. J’avais envie de tourner ici. C’est une ville que j’adore. Moi, je l’ai découverte. Je suis franco-suisse, mais je suis venue ici qu’à partir de 2004. Et j’ai vraiment adoré cette ville, l’esthétique, les gens, les looks des gens. Il y a aussi beaucoup de marginaux ici, que moi, j’ai bien aimé. Dans ma jeunesse, j’allais au Bourg, j’allais au Romandie. Je ne sais pas, il y avait un esprit dans la ville qui me faisait un peu penser, quand j’écrivais, au cinéma américain des frères Cohen, dans des petites villes. Et du coup, je l’ai un peu filmé comme un petit New York. J’adore le Bel Air, la Rue de l’Alle, les mélanges des gens aussi. Et puis après, il y a des choses que j’ai prises de chez vous. Par exemple, à l’intérieur de mon tribunal, il y a un grand tableau de nature derrière le qui rappelle un peu celui qui est à la Confédération, où je trouvais ça génial que des gens réfléchissent devant un tableau de nature énorme, comme si c’était un petit peu les garants de la nature. Il y a un rapport à l’écologie que moi, j’ai vraiment dans mon film.
Le casting a-t-il été fait en partie à Lausanne?
Aussi, il y a beaucoup d’acteurs vaudois ou beaucoup de personnalités vaudoises qui sont dans mon film. Il y a Dominique Bourg, le philosophe de l’écologie, qui joue le psychiatre. Il y a des imams, des rabbins du coin, plein d’acteurs, Aurélien Patouillard, plein d’acteurs. Il y a beaucoup de genre de castings sauvages aussi qu’on a appris, justement, en Rue de l’Alle. Donc, pour moi, il y a une âme spéciale qui peut être une âme un peu de contes ou de petites villes américaines qui m’emmène dans une autre esthétique où on peut mettre des perruques aux acteurs, où on peut faire des personnages limite de BD.
Parlez-nous de Jean-Pascal Zadi que vous faites jouer dans un rôle plus mesuré que sa partition habituelle…
En fait, Jean-Pascal, le truc que j’aimais bien, c’était qu’il fallait que ce soit le personnage un peu irrésistible dont tout le monde peut tomber amoureux, un peu comme Drew Barrymore dans les films américains. Ce qui est cool, c’est qu’il est très sexy et en même temps, il est très gentil. C’est un geek des chiens, amoureux des chiens, qui vous parle des chiens en long, en large, toute la journée dans le film. Ce qui est drôle, c’est que Jean-Pascal, c’est pas du tout quelqu’un qui connaît bien les chiens au départ. Il a dû s’approprier un peu ce rôle de comportementaliste animalier.
ainsi que François Damiens.
Et à côté, François Damiens, c’est le maître du chien. Il fallait que ce soit le pire client qu’une avocate puisse voir arriver dans son bureau, comme il l’a beaucoup fait dans les caméras cachées. Il a un plaisir à faire ça, à dire la mauvaise phrase au mauvais moment, à parler quand il ne faut pas. Et donc c’était lui qu’il fallait. Et en même temps, François, au-delà de ça, il a énormément de couleurs de jeu et une couleur plus dramatique.
Cosmos, le chien de votre film, est considéré comme un humain… Comment travaille-t-on à faire jouer un chien ?
Alors dans le film, je ne le considère pas totalement comme un humain, je le considère comme un individu, mais c’est sûr qu’on le considère en tout cas. Et effectivement, on ne sait pas trop quelle statue lui donner. Tout le monde galère à lui donner un statut à ce chien. Et c’est ça qui est assez beau dans le film, c’est de voir la justice se galérer. Et nous, sur le tournage, c’était très important que ce chien qui n’a pas tout à fait choisi d’être là, on ait la certitude qu’il passe tout le temps un bon moment. Si on sentait que le chien n’était pas là, qu’il était trop fatigué, on coupait, on passait à autre chose, on revenait. On a été très attentif à son bien-être avec Juliette et Manu, les deux dog-trainers, et à ce que ce soit le plus possible une joie pour lui. Le chien comprend le mot couper. Le chien est un acteur, en fait. Il sait qu’il est en train de jouer. C’est pour ça qu’il a son nom sur l’affiche. Il a son nom au générique.
Comment caractérisez-vous le personnage d’Avril que vous incarnez ?
Alors le personnage principal du film, il ne faut pas l’oublier, c’est un personnage féminin et c’est celui que je joue. Le personnage féminin qui va se reconnaître dans le chien, qui va éclairer cette histoire, c’est un personnage de femme qui a du mal à trouver comment s’exprimer. Elle est entre deux époques, c’est une femme de 35, 40 ans. Elle a été élevée avec l’ancienne génération et ces femmes de 20 ans qui sont totalement dans une autre façon de faire, mais dont elle, elle n’a pas les codes. Alors qu’en fait, cette femme, elle a trouvé sa force par la conviction. Parce qu’elle va voir qu’entre les chiens et les femmes, il y a vachement plus de points de ressemblance que ce qu’on croyait au départ.
Pourquoi avoir mis en scène cette convergence de luttes, notamment entre le féminisme et le droit des animaux ?
Ces questions qui sont des questions de société en ce moment, ça me faisait marrer de les voir s’affronter. Mais par contre, je me moque de personne. Et justement, on a travaillé avec des vrais militantes féministes et des vrais militants animalistes, comme dans la figuration. Et pour moi, ça a été une grande fierté qu’ils viennent et j’espère qu’ils ne se sentiront pas moqués. Parler d’un procès de chien qui n’est plus tout d’un coup considéré comme une chose, mais comme un individu pour la première fois depuis le Moyen Âge, ça permet de traiter plein de trucs, en fait.
Pourquoi avoir choisi d’aborder les notions de violence et de culpabilité de manière si équivoque ?
C’est intéressant. Je vais peut-être répondre à votre question un peu différemment parce que la violence chez le chien, chez Avril aussi, qui est violente à un moment, chez tout le monde, la violence, j’ai de plus en plus de mal à comprendre d’où elle part, de qui c’est la faute, qui est le coupable. Dans mon film, il y a même des femmes de 65 ans qui essaient de péter la gueule à quelqu’un qui sonne trop le klaxon. Il y a juste trop de tension et on n’arrive plus à penser. Et la violence, elle est partout. On considère le chien de cette manière-là, mais je considère aussi un peu tous mes personnages au premier plan et figurant de cette manière-là aussi.
Le récit que vous mettez en scène est annoncé comme issu de faits réels. Pouvez-nous en dire davantage ?
Donc, je jouais mon spectacle avec mon cheval. Et puis, une spectatrice est venue me raconter qu’il y avait un procès autour d’un chien. Donc, le chien n’était pas à la barre comme dans dans le film. C’était le maître. Le chien avait mordu, mais c’était le mec qui était en procès, parce que le chien, dans la loi, il est assimilé à un bien, à une chose. Ce procès avait foutu le feu à la ville. Il y a eu des manifestations, des pétitions. Et ça m’a ouvert à d’autres histoires, en France, en Suisse, en Belgique. Cet engouement général m’a vachement intéressé. Là, ce que j’ai rajouté, c’est que l’avocate arrive à prouver que le chien n’est pas une chose.