Endo Anaconda rencontre Albert Anker là où l’artiste est le plus proche : dans l’atelier du peintre dans le village seelandais d’Ins, l’un des rares ateliers d’artistes du 19e siècle à avoir été conservé dans son état d’origine. Dans cette encyclopédie transformée en espace, avec d’innombrables “pièces d’exposition” du sol au plafond, on peut explorer jusque dans les moindres recoins ce qu’Anker aimait, admirait, ce à quoi il aspirait, ce qui lui rappelait l’éphémère et la mort.
ALBERT ANKER - LEÇONS DE PEINTURE CHEZ RAPHAËL
Pour tous ceux à qui Endo Anaconda manque cruellement et qui souhaitent redécouvrir le peintre suisse Albert Anker (1831 - 1910)
ALBERT ANKER – LEÇONS DE PEINTURE CHEZ RAPHAËL | Synopsis
Avec ses peintures à l’huile vivantes, Albert Anker a capturé la vie populaire suisse comme personne d’autre. Son atelier d’Ins, dans le Seeland bernois, qu’il a aménagé en 1859 dans les combles de sa maison familiale, a été conservé jusqu’à aujourd’hui en grande partie dans son aménagement d’origine. En compagnie du musicien Endo Anaconda et d’un groupe de protagonistes charismatiques, le cinéaste Heinz Bütler nous emmène à la découverte de la “maison Anker”. En explorant collectivement les lieux, il crée une nouvelle perspective rafraîchissante sur l’artiste suisse, qui fait table rase des clichés et des appropriations hâtives.
“Anker est-il encore en vie ? Je pense souvent à ses travaux, je les trouve si efficaces et si finement ressentis. Il est encore tout à fait de la vieille école”.
Vincent van Gogh à son frère Théo, 1883.
“Et dans les vieilles armoires, il y a des costumes traditionnels et de vieux chapeaux bizarres, et dans un compartiment que nous connaissons particulièrement bien, il y a les poupées que grand-père a fabriquées lui-même : le fils du roi, la fille du roi, le méchant homme au manteau rouge et le vénérable ermite. Le soir, derrière le dossier d’une chaise, le grand-père nous joue de merveilleuses pièces avec ces poupées : La fille du roi – le grand-père prend pour elle une voix particulièrement belle et délicate – se perd, rencontre le méchant homme qui veut lui voler son magnifique collier. Il la menace même de sa grande épée. A ses appels à l’aide, le fils du roi accourt, il transperce le méchant homme qui meurt en proférant de terribles imprécations, et le vénérable ermite arrive juste à temps pour marier le fils du roi à la fille du roi sauvée”.
Dora Brefin-Oser* (petite-fille), 3 août 1935.
Albert Anker en marionnettiste
Dans “Alber Anker. Leçons de peinture chez Raphaël”, Endo Anaconda ose, dans la maison d’Anker, une confrontation radicalement subjective, pleine de connaissances et d’humour avec Albert Anker (1831 – 1910), qui fait également table rase des clichés et des appropriations hâtives. Et Endo n’est pas seul : le pianiste Oliver Schnyder joue la bande-son du film et, dans le salon de la famille Anker, sur le piano de la maison, en direct sur des “bandes dessinées” que le peintre dessinait pour sa fille Louise. Plus loin dans le film : Albert Anker en marionnettiste. Les marionnettes qu’il a fabriquées sont une véritable sensation artistique, que même de nombreux spécialistes ne connaissent pas. À voir et à découvrir également dans le film, les carnets aussi inconnus que spectaculaires de l’artiste, qui mènent jusqu’à Key West et Cuba et qui contiennent, dans un désordre sauvage, tout ce qu’Anker ne voulait plus jamais oublier. Son fils Maurice dérange l’ordre établi et parcourt les mers du monde.
*Peut-on comprendre Albert Anker sans l’impressionnisme ? Non.
Une critique de Madeleine Hirsiger
“Anker est-il toujours vivant ? Je pense souvent à son travail. Je les trouve si efficaces et si finement ressentis. Il est encore tout à fait de l’ancien temps”. C’est ce qu’écrit Vinzenz van Gogh à son frère Theo en 1883. Albert Anker, qui vécut de 1831 à 1910 principalement à Ins, dans la Zélande, est rapidement classé comme peintre du terroir. Ah oui, celui des jeunes filles joliment peintes en train de tricoter, ses portraits d’enfants, ses peintures de classes d’école ou ses natures mortes. Anker, l’observateur précis avec une incroyable habileté dans la représentation de scènes de la vie quotidienne du 19e siècle. C’était un peintre dont les sujets sont ou ont été accrochés sous forme de gravures dans tant de chambres de ferme ou d’appartements. (Nous en avions aussi un à la maison !) Mais Albert Anker, qui avait étudié la théologie avant de se lancer dans la peinture, était bien plus que ce que l’on perçoit généralement. C’est ce que nous apprend le documentaire de Heinz Bütler.
La manière de faire
Bütler a recours à des moyens simples, mais efficaces. Il nous emmène dans l’atelier d’Albert Anker, dans les combles de sa ferme, dont le marchand d’art Eberhard Kornfeld dit qu’il s’agit probablement du seul original encore existant. Celui d’Alberto Giacometti aurait été détruit. C’est un royaume plein de souvenirs, de vitalité et de diversité. On apprend à connaître Anker dans sa grandeur et sa complexité, également en tant qu’érudit, et on ne peut s’empêcher d’être étonné : sa vie à Paris, son aisance linguistique (il pouvait parler sept langues), sa modestie. Il a écrit un jour : “Mieux vaut être un homme juste qu’un peintre célèbre”. Et Bütler fait des coups de génie : Le musicien bernois Endo Anaconda, décédé peu de temps après le tournage, nous fait visiter l’atelier avec étonnement, attire notre attention sur de petites choses, commente ce qu’il voit. Ou encore l’intervention du pianiste Oliver Schnyder qui, sur le vieux piano du salon, joue aussi de la musique du Norvégien Edvard Grieg, qui aurait été une personnalité similaire à Anker. Et l’écrivain Alain Claude Sulzer fouille dans la bibliothèque de 1000 volumes.
Ancrage à Paris
L’engagée Nina Zimmer, directrice du Musée des beaux-arts de Berne et du Centre Paul Klee, classe tout dans l’histoire de l’art – un plaisir de l’écouter. Anker s’est rendu pour la première fois à Paris en 1854 et y a entretenu des contacts étroits avec d’autres artistes. “Il était très influencé par l’impressionnisme. Il n’était pas à la pointe du mouvement, mais il y a réfléchi. Sans cela, on le met dans un coin complètement faux”.
Conclusion: Bütler parvient à nous enfermer dans l’atelier d’Anker et à nous y faire rester avec les œuvres de cet artiste remarquable. Les images aux tons chauds captées par le cameraman Sergio Cassini y contribuent. Anker a noté dans l’un de ses carnets qu’il aurait aimé prendre des leçons de peinture avec Raphaël. On espère que les deux se sont rencontrés au paradis. Ce film-portrait ouvre de nouvelles perspectives et présente ce grand artiste sous un jour nouveau et international.