Un beau jour, chaque personne que croise Vincent commence à l’attaquer sans raison. Dans une quête haletante pour sa survie, il tente de comprendre ce qui explique sa nouvelle condition. «Vincent doit mourir» a été présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2023 en séance spéciale.
VINCENT DOIT MOURIR
- Publié le 6. juillet 2023
Stéphan Castang parvient à mélanger avec finesse survival psychologique et romance naissante.
Critique de Lliana Doudot
Vincent ne comprend pas ce qui lui arrive. Un stagiaire le roue soudain de coups avec son ordinateur portable. Un collègue lui plante son stylo dans le bras sans crier gare. Une inconnue essaie de lui rouler dessus avec sa voiture. Peu à peu, il se rend compte des risques de sa nouvelle condition. Reclus à la campagne et évitant le regard des personnes qu’il croise, Vincent enquête sur la maladie qui s’est emparée de lui. Ou alors, est-ce ses agresseurs qui souffrent d’un curieux virus ?
Une exploration sur la violence
Interprétant Vincent avec pudeur, Karim Leklou et son air maladroit nous emmène avec lui dans ce thriller aux sous-tons horrifiques, où la violence surgit crue, nue et sans explications. C’est celle que nous avons tou·te·s au fond de nous, celle qui va mener la société à sa perte, nous susurre le film en filigrane. Car la folie qui traverse « Vincent doit mourir » est hautement contagieuse, et personne n’en est épargné. Tour à tour victimes puis bourreaux, chacun·e cède, jusqu’à atteindre un chaos apocalyptique. Si l’on ne résiste pas à notre agressivité, voilà ce qui finira par arriver, semble constater « Vincent doit mourir ». Pourtant, aucun ton moralisateur ne se ressent dans ce film haletant où l’action prend toute la place. Seuls les grands yeux interrogatifs de Karim Leklou nous demandent : Si l’enfer c’est les autres, est-il possible de survivre seul ?
Un peu de douceur dans ce monde de brutes
Pourtant, cette narration aux allures de fin du monde nous montre aussi ce qu’il y a à sauver dans l’humanité, puisque l’amour en temps de crise se fait résiliant et inconditionnel : vivre ensemble implique de prendre le risque de se faire attaquer aveuglément par celle ou celui qu’on aime. Vincent rencontre Margaux, serveuse au dinner du coin, et il la laisse le regarder malgré la peur. Vimala Pons, magnétique dans ce rôle de fille abîmée mais attachante, ajoute du piquant à cette romance inattendue. Alors que les éruptions de violences se font de plus en plus fréquentes dans le pays, Vincent et Margaux ne peuvent s’empêcher de s’aimer, assorti·e·s par leur maladresse commune. Ensemble pendant que la société s’effondre, ils apportent un peu de douceur dans ce monde de brutes. Même si eux-mêmes se transforment en brutes de temps en temps, sans pouvoir l’empêcher. Tant qu’ils ne parviennent pas à se tuer, il y a de l’espoir.
Conclusion
Stéphan Castang parvient à mélanger avec finesse survival psychologique et romance naissante dans « Vincent doit mourir », et on en redemande lorsque l’écran devient noir. L’efficacité du pitch nourrit l’imagination, et il est facile de laisser dériver ses pensées une fois sorti·e·s de la salle de cinéma : qu’aurais-je fait à la place de Vincent ? Où serais-je allé·e ? Aurais-je survécu à la violence des autres, mais aussi à l’isolement ? C’est certain, on croise ensuite les gens dans la rue avec plus de gravité… A voir donc pour une bonne dose d’adrénaline qui pousse à la réflexion sur soi-même et notre rapport aux autres.