RIEN À PERDRE
Delphine Deloget réalise son premier long-métrage de fiction avec un personnage de mère courage incarné par une Virginie Efira au sommet.
Pour paraphraser Delphine Deloget, «Rien à perdre» se définit comme un western familial et social. Le spectateur se retrouve embarqué dans le combat d’une mère brute de décoffrage, bordeline mais attachante. Confier le rôle à Virginie Efira permet de ne jamais tomber dans le misérabilisme. L’actrice belge apporte au personnage force, lumière et même par instant drôlerie. Une prouesse.
RIEN À PERDRE | Synopsis
Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Ensemble, ils forment une famille soudée. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement et sa mère au travail. Un signalement est fait et Sofiane est placé en foyer. Armée d’une avocate, de ses frères et de l’amour de ses enfants, Sylvie est confiante, persuadée d’être plus forte que la machine administrative et judiciaire…
RIEN À PERDRE | Avis
«RIEN À PERDRE est le récit d’une mère qui se bat pour récupérer son fils placé à l’Aide Sociale à l’Enfance et succombe au broyage du pouvoir judiciaire. Une première œuvre sincère et courageuse d’une documentariste passée à la fiction.» – àVoir-àLire | «Virginie Efira interprête une mère solo face à l’Etat pour récupérer son fils. Un drame social parfaitement orchestré par Delphine Deloget.» – Libération | «Virginie Efira incarne une mère prise dans un engrenage dévastateur et prête à tout pour récupérer son enfant dans un premier long énergique et bien charpenté signé Delphine Deloget» – cineuropa
Critique d’Ondine Perier
Sylvie vit à Brest où elle élève seule ses deux garçons, Jean-Jacques, un adolescent approchant la majorité et Sofiane le cadet d’une douzaine d’années. Ils vivent tous les trois dans un appartement peu entretenu. Un soir, Sofiane se brule accidentellement le torse en se faisant des frites. Virginie étant en plein travail – elle est barmaid – et injoignable, c’est Jean-Jacques qui l’emmène aux urgences de l’hôpital. À partir de là se met en place la spirale infernale des services sociaux et Sofiane se retrouve placé en foyer… Sylvie choisit de se battre pour récupérer son fils face à des professionnels d’aide à l’enfance peu favorables à ces retrouvailles.
Un scénario habilement ficelé nourri de dialogues justes et percutants.
Ce premier long métrage est impressionnant de maîtrise et ce, du scénario au montage en passant par tous les aspects du film. Attardons-nous au premier maillon : le scénario. La protagoniste passe par des phases différentes mais toutes éprouvantes pour tenter de récupérer Sofiane. Toutes ces étapes s’enchaînent de manière extrêmement fluide. Ces rebondissements participent à créer un suspense et une tension qui rendent l’issue de la bataille de Sylvie incertaine.
La réalisatrice, documentariste au départ, a passé du temps auprès des avocats, juges, et aussi des familles broyées par la machine administrative et judiciaire. Ce travail immersif a très certainement contribué à rendre les situations et les dialogues si crédibles. L’environnement de Sylvie est caractérisé par un état d’esprit d’adolescent, fêtard et excessif. Les dialogues sonnent toujours très juste, le fils ainé Jean-Jacques a cette réplique pertinente sur la malédiction qui touche sa mère : «T’es comme dans les sables mouvants : plus tu te débats plus tu t’enfonces». À ce stade du film, il apparaît que les chances de Sylvie pour récupérer Sofiane s’amenuisent… Mais attention, rien n’est jamais prévisible dans ce scénario dense qui ne cesse de surprendre le spectateur.
Une interprétation brillante pour des personnages forts.
La puissance de jeu de Virginie Efira se déploie avec une justesse et une maîtrise sidérantes, l’actrice belge parvient encore à nous bluffer. Une autre grande qualité du film est que chaque personnage secondaire existe pleinement, leur interprétation est à la hauteur de leur caractérisation, soit :
- Les enfants de Sylvie incarnés par Félix Lefebvre, impressionnant – l’acteur a pris 20 kilos pour s’approprier le rôle de Jean-Jacques – et le jeune Alexis Tonetti absolument bouleversant dans les scènes de séparation avec sa mère.
- Les frères de Sylvie joués par Mathieu Demy, l’aîné responsable un peu en retrait mais fiable et aidant dans les moments critiques ; et Arieh Worthalter – déjà très remarqué par son interprétation de Pierre Goldman dans «Le Procès Goldman», ici parfait dans le rôle du frère à la ramasse mais touchant et aimant.
- Enfin, la toujours excellente India Hair qui brille dans l’interprétation d’une responsable de l’aide à l’enfance. Cette dernière tente de faire respecter des règles pour protéger au mieux Sofiane d’une mère qu’elle considère trop rock’n roll. Elle apporte une douceur bienvenue au personnage qui permet d’éviter le cliché propre à ces métiers. Revenons à Virginie Efira qui nous laisse ébahis tant elle alterne des scènes très physiques où elle exulte et enrage avec des scènes de profond désarroi.
Pour conclure Delphine Deloget signe un premier film qui touche en plein cœur porté par un casting remarquable. Il se dégage une empathie bouleversante pour cette famille aux liens indéniablement sincères et solides. L’amour inconditionnel de cette mère – certes défaillante mais attentive – pour ses enfants se heurte à la sentence énoncée par un des agents sociaux «l’amour ne suffit pas». Même si cela semble un pré-requis évident. La réalisatrice interroge ainsi cette zone grise et rend compte d’une situation bien plus complexe qu’elle n’y paraissait au départ.