Le magnifique premier film de Louise Courvoisier VINGT DIEUX qui met en scène Totone et sa bande, de jeunes jurassiens drôles, sensibles et très attachants dans une aventure fromagère émancipatrice. La jeune réalisatrice, elle-même du Jura nous a accordé une interview, il est question de sa fabrication du film et son besoin de vivre à la campagne pour aborder son métier de cinéaste.
Louise Courvoisier | VINGT DIEUX
- Publié le 11. décembre 2024
«J’ai voulu ancrer mon film dans le réel de ma région, en m’inspirant des gens que j’ai côtoyés, des activités agricoles et des traditions du coin.»
VINGT DIEUX | SYNOPSIS
Totone est jeune, fougueux et insouciant. Il passe son temps à boire des bières et écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais du jour au lendemain il doit s’occuper de sa petite soeur et de la ferme familiale délabrée dans le Jura français. Puisqu’il est sans un sou, il élabore un plan : produire le meilleur comté de la région pour gagner un concours agricole avec à la clé une médaille d’or mais aussi une coquette somme d’argent. Pour cela il peut compter sur le soutien de ses meilleurs amis, de sa soeur et de Marie-Lise, son grand amour qui n’a cependant aucune idée des méthodes douteuses utilisées par Totone pour réaliser son projet…
Interview d’Ondine Perier
Vous venez du Jura, un territoire riche en traditions. En quoi cette région et ses activités ont influencé l’écriture de votre film ?
J’ai voulu ancrer mon film dans le réel de ma région, en m’inspirant des gens que j’ai côtoyés, des activités agricoles et des traditions comme le comté, omniprésent dans le Jura. J’ai utilisé cet univers comme toile de fond pour créer une intrigue authentique qui parle des gens du coin.
Comment s’est passée l’écriture du scénario ?
J’ai commencé seule avant de collaborer avec Théo Abadie pendant deux ans et demi. Nous avons été rejoints par Marcia Romano, une scénariste expérimentée, qui nous a aidés à enrichir le scénario. Écrire à plusieurs a permis de rendre cette étape difficile plus constructive et moins isolante.
Comment avez-vous choisi vos acteurs et travaillé avec eux, notamment des non-professionnels ?
Le casting s’est basé sur l’énergie des personnages plus que sur un physique précis. J’ai beaucoup observé, répété avec eux et réécrit certaines scènes pour qu’elles leur ressemblent davantage. Je voulais qu’ils se sentent à l’aise et accompagnés, car c’était souvent leur première expérience d’acteur.
Pouvez-vous parler de l’actrice Maïwène Barthélémy et de son personnage, Marylise ?
Marylise est une femme sûre d’elle, directe, mais avec des fragilités qui la rendent complexe. Maïwen a incarné à merveille cette équilibre entre assurance et vulnérabilité. Sa palette émotionnelle a permis de donner de la profondeur à ce rôle.
La pudeur et les silences semblent essentiels dans votre film.
La pudeur des sentiments et les silences traduisent les émotions mieux que des dialogues explicites. Les gestes, les regards, et ce qui reste retenu offrent une double lecture, ajoutant une profondeur à chaque scène. C’est un élément que j’ai beaucoup observé dans mon environnement.
Comment avez-vous dirigé la toute jeune fille du film, qui joue la petite sœur de Totone et occupe une place centrale dans le récit ?
Luna a une maturité naturelle et une grande présence qui ont simplifié mon travail. Je la connais depuis qu’elle a trois ans, ce qui a aidé à créer une relation de confiance. Souvent, ses silences racontaient plus que des dialogues prévus, que j’ai parfois retirés.
Pourquoi intégrer de manière aussi précise des scènes comme le vélage ou la fabrication du comté dans le film ?
Je voulais que le film soit authentique. Ces activités, essentielles à la vie locale, donnent de la crédibilité à l’histoire. Les gestes réels et la véracité des scènes permettent de plonger le spectateur dans un univers crédible.
Votre film traite aussi de thèmes comme la violence et l’alcoolisme.
Ces éléments sont présents dans mon quotidien et celui des jeunes que je connais. Je voulais montrer leurs origines et leurs conséquences sans jugement. La violence traduit souvent un mal-être et un manque de confiance en soi.
Pourquoi observe-t-on une tendance à des films sur l’ennui des jeunes en milieu rural ?
Je pense que cela reflète une nouvelle génération de réalisateurs qui s’inspirent de leurs racines et veulent explorer les problématiques hors de la sphère parisienne. Il y a un besoin de dépeindre des réalités différentes et d’apporter des regards nouveaux.
Votre film semble être une aventure collective. Quel rôle a joué votre entourage dans sa réalisation ?
Travailler avec ma famille et des gens de la région a créé une intimité et une authenticité uniques. Cela m’a permis de construire des liens forts sur le tournage, favorisant une énergie positive et collaborative.
Comment avez-vous géré les nombreux défis du tournage ?
Le film était ambitieux avec des scènes de fête de village, des animaux et des décors variés. Je voulais que l’équipe se sente à l’aise pour travailler dans un climat bienveillant. Cela demandait une grande préparation et beaucoup d’écoute.
Quels sont vos principes en tant que réalisatrice ?
Je rejette toute forme de tyrannie sur un plateau. Je pense que la bienveillance et la collaboration renforcent la créativité et l’unité. Ma responsabilité est d’accompagner chacun pour qu’il puisse donner le meilleur de lui-même.
Enfin pensez-vous que votre prochain projet se déroulera aussi dans le Jura ?
C’est un peu tôt pour l’instant parce que j’ai tellement été habitée par VINGT DIEUX qui est encore très présent avec la promotion du film. J’ai en tout cas besoin d vivre dans mes terres pour me ressourcer et me nourrir d’autre chose avant d’amorcer un nouveau projet.