L'ÉTÉ DERNIER
L'ÉTÉ DERNIER signe le grand retour de la cinéaste Catherine Breillat après dix ans d'absence, présenté en compétition officielle à Cannes 2023.
Film ultra-dérangeant sur une relation interdite entre un jeune homme et la femme de son père. Remake du film danois, DRONNINGEN (QUEEN OF HEARTS), réalisé par May el-Toukhy en 2019.
L’ÉTÉ DERNIER | Synopsis
Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.
L’ÉTÉ DERNIER | Autres avis
“Dix ans après son dernier film, la cinéaste fait un retour gagnant avec ce portrait complexe d’une quinquagénaire qui séduit son jeune beau-fils. Son récit, vif et subtil, captive de bout en bout.” – Télérama | “Catherine Breillat s’immerge avec une grande maîtrise et dans le calme dans les vertiges, les mensonges, les contradictions et les manipulations d’un amour incendiaire interdit“ – cineuropa | “Catherine Breillat retrouve l’inspiration avec un sujet délicat qu’elle traite avec finesse,dévoilant un sens de la nuance dans la caractérisation des personnages. Encore un grand rôle pour Léa Drucker.” – àVoir-àLitre
Brève critique d’Ondine Perier
Anne, avocate de 45 ans spécialisée dans les violences sexuelles envers les mineurs, vit confortablement dans une maison cossue de la belle banlieue parisienne, arborée et tranquille, avec son mari, riche entrepreneur sexagénaire et leurs deux adorables petites filles adoptives de 6 et 7 ans. Son quotidien va brusquement changer lorsqu’elle succombe au désir incestueux pour son beau-fils de 17 ans, fraîchement débarqué au sein du foyer. Lorsque leur relation secrète sera découverte, la protagoniste adoptera une posture cruelle et démoniaque.
Un personnage féminin antipathique à souhait
La trangressive Catherine Breillat pose sa caméra sur Anne, son air détaché lors de ses entretiens avec les adolescents qu’elle défend et très vite son visage tout aussi impassible pendant l’acte sexuel avec son mari. Léa Drucker campe parfaitement cette femme froide et dominatrice, tirée à quatre épingles dans des tenues strictes et perchée sur de hauts talons. Son ton professoral à la limite du présomptueux, ses yeux d’un bleu acier et son sourire sournois complètent le portrait d’une femme capable de cynisme à toute épreuve. Quant au jeune Samuel Kircher s’il apparaît insolent, ingrat, agressif et tête à claques dans la première partie du film, il dévoile sa part fragile et vulnérable au fur et à mesure que ses sentiments pour sa belle-mère s’intensifient. Il prête parfaitement ses traits juvéniles, sa candeur à ce jeune paumé. Toutefois lui seul semble clairvoyant sur le manège des apparences auquel se livrent son père et sa belle-mère.
La cruauté d’une bourgeoisie prête à tout pour tenir son rang
Lorsque l’aventure incestueuse entre Anne et Théo est dévoilée, on découvre avec effroi la face la plus méprisable et lâche d’Anne en premier lieu et des autres adultes qui l’entourent : le père et la tante, seconds rôles brillamment incarnés par Olivier Rabourdin et Clothilde Courau – entre mensonge, déni ou acceptation, chacun se débrouille avec sa morale pour surmonter l’épreuve. Théo se retrouve seul contre tous, encore plus abîmé qu’il ne l’était en débarquant dans cette maison. On assiste à un été dévastateur pour ce jeune en perte de repères et de cadre. L’ÉTÉ DERNIER est un drame psychologique d’une grande noirceur, accentuée par le contraste avec des scènes estivales baignées de lumière. La réalisatrice n’hésite pas à donner une tournure amorale et politiquement très incorrecte à son film. Elle dénonce ici l’hypocrisie d’une famille bourgeoise détraquée qui tient bien plus à son standing qu’à la santé mentale et l’avenir d’un des siens.
Pour conclure, L’ÉTÉ DERNIER procure un sentiment de malaise constant de par son sujet mais aussi d’une froideur infusée dans tous les pans du film (le phrasé de Léa Drucker, l’absence de musique, les décors luxueux et tenues impeccables de la protagoniste, même le jeu de séduction entre les deux amants manque de tendresse). Catherine Breillat sait distiller des éléments perturbateurs et twists inattendus pour garder le spectateur éveillé devant ce carnage familial. Glaçant.