Le GIFF fête cette année ses 30 ans du 1er au 11 novembre, à Genève évidemment. Une belle occasion de s’entretenir avec sa directrice Anaïs Emery qui nous parle avec un fort enthousiasme des nouveautés réjouissantes qui attendent le public.
Interview Anaïs Emery | GIFF 2024
«Ce qui nous importe, c’est de montrer les récits qui reflètent le mieux notre époque.»
Interview d’Anaïs Emery, directrice du Geneva International Film Festival (GIFF) par Ondine Perier
Le GIFF fête ses 30 ans cette année, avec 36’000 festivaliers en 2023. Comment définiriez-vous ce festival atypique dans le paysage suisse des festivals ?
Le GIFF se distingue par sa vision inclusive et convergente de l’audiovisuel. Depuis sa création en 1995 par Léo Kaneman, il a intégré différents formats comme les téléfilms et les films de cinéma, et a continué à évoluer tout en gardant cette approche. Ce qui nous importe, c’est de montrer les récits qui reflètent le mieux notre époque.
Avec 93 œuvres programmées en 2024, dont 54 premières suisses, le festival se déroule entre le Zurich Film Festival (ZFF) et Soleure. Est-ce compliqué en termes de programmation ?
Bien sûr, programmer un festival est un défi dans un domaine concurrentiel. Cependant, notre force réside dans une identité affirmée : chaque œuvre sélectionnée – film, série, ou œuvre immersive – forme un tout qui représente l’audiovisuel d’aujourd’hui. Le GIFF est le seul à célébrer ces formats avec autant d’envergure, ce qui nous permet de proposer un programme unique, même en fin d’année.
Avez-vous une stratégie pour attirer un public suisse allemand, à l’instar de Soleure qui attire les Romands ?
Le GIFF, bien ancré à Genève, a un fort potentiel en Suisse alémanique et ailleurs. Le défi pour la prochaine décennie sera d’accroître notre audience suisse-allemande. Cela dit, le festival joue déjà un rôle important en réunissant les écosystèmes artistiques de toute la Suisse, même si le public suisse allemand reste à développer. Nous avons également un fort attrait pour la France voisine.
Depuis 4 ans à la tête du festival, quelles évolutions majeures avez-vous mises en place ?
J’ai introduit des sections comme “Tales of Swiss Innovation”, où nous mettons en avant des acteurs majeurs de l’innovation audiovisuelle en Suisse. Cette année, nous accueillons Sarah Kenderdine. Une autre section importante est “POP TV”, qui explore l’histoire des contenus télévisuels. Le Geneva Digital Market a également pris de l’ampleur avec une programmation internationale forte. Mon objectif est de faire du GIFF une plateforme de coproduction et d’échanges pour l’industrie suisse.
Votre festival refuse de cloisonner l’audiovisuel selon les cibles : les films ne sont pas réservés aux boomers, ni les séries aux jeunes. Quels films plairaient particulièrement aux jeunes cette année ?
Ava DuVernay, que nous accueillons cette année, est une cinéaste dont les séries sur Netflix ont marqué les jeunes, comme WHEN THEY SEE US. Elle aborde des thèmes comme les droits civiques aux États-Unis, un sujet pertinent pour les jeunes. Nous recevons aussi Leos Carax, un poète du cinéma, dont l’œuvre reste incroyablement moderne et intergénérationnelle. Parmi les films, KNEECAP suit un groupe de rap irlandais et SPERMAGEDDON, une animation humoristique, pourrait également séduire un jeune public.
Vous avez annoncé le projet Swissphoria, revisitant des œuvres suisses emblématiques à travers des technologies de pointe. Comment cela se concrétisera-t-il ?
Swissphoria met en lumière le Panorama de la bataille de Morat, une œuvre monumentale de 1 000 m², restaurée et numérisée en haute résolution par Sarah Kenderdine et son équipe. Les spectateurs pourront naviguer dans le panorama, entendre des sons contextuels et découvrir des détails invisibles à l’œil nu. C’est une expérience immersive unique, avec des visites guidées et des technologies sonores et olfactives, rendant ce moment historique encore plus vivant.
Le programme Future is Sensible s’intéresse aux prospections sociétales et écologiques. Intégrez-vous la durabilité dans l’organisation du festival ?
Nous avons fait un bilan carbone et travaillons à réduire notre impact. Si nous ne pouvons éviter les voyages en avion, nous avons pris des mesures concrètes, comme proposer uniquement de la nourriture végétarienne sur le festival et gérer nos déchets de manière optimale. Nous souhaitons aussi encourager les déplacements en transports en commun pour nos festivaliers, profitant de notre emplacement en centre-ville.
Des événements spéciaux pour ce jubilé ?
En plus de Swissphoria, nous lançons le Swiss Series Storytelling Award, un prix de 20 000 CHF pour récompenser la narration d’une série suisse. La cérémonie, gratuite et ouverte au public, aura lieu le 8 novembre. Nous proposerons également une projection commentée de La mort vous va si bien par les humoristes Vincent Veillon et Paul Walter, un événement qui promet d’être très amusant et reflète bien l’esprit convivial du GIFF.