Unique documentaire suisse sélectionné dans la compétition Burning Lights au festival Visions du Réel 2023, DREAMERS rend compte du quotidien que vivent les sans-papiers aux Etats-Unis.
DREAMERS
Une immersion bouleversante dans la vie de Carlos, sans papier, vivant à Chicago depuis son enfance.
DREAMERS | SYNOPSIS
Aux États-Unis, les jeunes sans-papiers sont appelés “Dreamers” (rêveurs). Carlos est l’un d’entre eux.
Carlos est arrivé enfant du Mexique, avec ses parents et ses frères. Ils·elles ont immigré à Chicago en 1993. 30 ans plus tard, Carlos n’est jamais retourné dans le pays dont il a la nationalité. Il ne peut quitter les États-Unis, ni même l’Illinois, sans avoir la certitude de pouvoir y revenir. Il ne sort jamais de chez lui sans craindre une rencontre avec la police qui pourrait l’expulser… Il fait partie des 2 millions de « Dreamers », les immigré·e·s clandestin·e·s qui ont vécu une enfance américaine normale avant d’être privé·e·s de l’entièreté de leurs droits dès leurs 18 ans. «Même si je me considère comme un Américain et que je considère l’Amérique comme mon pays, je peux être expulsé à tout moment. Mon pays ne me considère pas comme un de ses citoyens.» En off, la voix de Carlos est sobre et discrète, presque chuchotée. Dans un noir et blanc soulignant cette vie de l’ombre, l’accompagnant toujours intimement d’une caméra jamais invasive, le duo de cinéastes Luc Peter et Stéphanie Barbey filme Carlos dans son quotidien prudemment retenu. Il·elle donnent corps à cette vie sans existence.
Critique par Ondine Perier
Mexicain de 38 ans, Carlos et vit à Chicago depuis l’âge de 9 ans. Il est le troisième d’une fratrie de quatre garçons. Sa vie est hantée par la peur de se faire arrêté et expulsé des Etats-Unis, pays qu’il considère pourtant comme le sien.
Une mise en scène sobre et élégante
Les réalisateurs ont fait le choix du noir et blanc pour leur documentaire, ce qui donne une grande élégance au film. Le personnage central est souvent filmé en gros plan. Ces scènes emplies d’émotion plonge le spectateur dans les tourments de Carlos. Les travellings sur la ville de Chicago et sa verticalité témoignent de son «rêve américain». Son parcours et les temps forts de sa vie sont distillés au fur et à mesure, on comprend ainsi combien son enfance a été difficile, marquée par une figure paternelle déficiente. La voix off de Carlos est comme un guide tout au long du film. Il partage avec le spectateur ses doutes, ses angoisses et ses souvenirs du Mexique et témoigne d’une certaine lucidité quant à l’incertitude de son avenir.
Une grande puissance émotionnelle
Lorsque Carlos évoque son frère Jorge arrêté par la police et renvoyé de force dans son pays il y a une dizaine d’années, on ressent toujours beaucoup de souffrance. La joie qui accompagne sa construction de vie de famille est très souvent ternie par la pensée de ce frère isolé des siens et contraint à la solitude. Le jeune Freddy, fils de Jorge, n’a pas connu son père et vit cloitré. Il alterne des épisodes dépressifs. Son mal être se traduit par de grandes difficultés à communiquer. La manière dont Carlos s’occupe de son neveu et cherche toujours à garder le contact avec son frère expulsé confèrent à Carlos un rôle de pilier malgré ses peurs constantes.
Les liens sacrés de la famille
La joie n’est pas absente du film. La famille constitue un socle crucial. Les scènes d’anniversaire, barbecue, d’évocation de souvenirs partagés montrent la force des liens familiaux. Cette solidarité permet à certains d’avancer. Des scènes cocasses amènent aussi des moments de respiration. Les réalisateurs posent leur caméra sur chacun des membres de la famille. On observe ainsi les différentes manières d’affronter les difficultés inhérentes à la vie de sans papiers. Un frère sera plus actif et intégré qu’un autre tétanisé par la peur de croiser la police, reclus chez lui. Carlos commente chacune de ces trajectoires en partageant ses sentiments par rapport aux siens : fierté, tristesse, inquiétude.
Pour conclure «Dreamers» est un très beau film, sensible qui rend compte du quotidien des sans papiers. Cette immersion dans la vie de Carlos procure une forte empathie. Une véritable fenêtre sur la vie des ces 2.5 millions d’immigrés qui luttent pour obtenir la citoyenneté américaine.