Avec beaucoup d’humour, le réalisateur Thomas Haemmerli raconte l’histoire sociale – de la guerre froide aux interdictions du concubinage et aux abolitionnistes de l’armée – et met en lumière la vie de Bruno Stefanini (1924-2018), du fils d’immigré au promoteur immobilier milliardaire et grand collectionneur. Le film offre en outre un aperçu passionnant de l’histoire de la construction, de la politique et des mœurs des années du miracle économique helvétique et au-delà.
UN CURIEUX HÉRITAGE
La biographie aussi drôle qu'étonnante de l'excentrique magnat de l'immobilier de Winterthour : Bruno Stefanini.
UN CURIEUX HÉRITAGE | SYNOPSIS
Avec beaucoup d’humour, ce documentaire tisse l’histoire sociale de la vie de Bruno Stefanini, passé de fils d’immigrants à officier, séducteur et magnat milliardaire du bâtiment. Il relate l’émancipation des femmes, la révolution des moeurs des années 60, les abolitionnistes de l’armée et les squatteuses. Pour réaliser son rêve de musée, le collectionneur et accumulateur Stefanini a réuni des oeuvres classiques, mais aussi du bric-à-brac, des hallebardes et des chars, des châteaux et des souvenirs allant de la brosse à dents de Napoléon aux sous-vêtements de Sissi. Tout cela stocké à l’abri des frappes nucléaires dans des bunkers. Avec un rythme effréné, le réalisateur Thomas Haemmerli («Sept bennes et un cadavre», documentaire sur sa mère accumulatrice) dépeint une biographie hors du commun.
Un musée pour le peuple
La collectionnite de Bruno Stefanini ne connaissait pas de limites. Il amassait des châteaux, des bunkers atomiques, des chars, de l’art ainsi que des objets allant du manteau du général Henri Guisan aux sous-vêtements de l’impératrice Sissi. Son objectif a toujours été de créer un grand musée pour le peuple. Au lieu de cela, il a laissé à sa mort la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire (FACH), qui s’occupe depuis lors de mettre de l’ordre dans l’immense héritage. Stefanini proposait certes des logements bon marché aux étudiants, mais ses biens immobiliers étaient généralement complètement délabrés, si bien que le terme de « maison Stefanini » s’est établi à Winterthour. C’est ainsi que le comédien Viktor Giacobbo a vécu dans une « maison Stefanini », que l’ancien conseiller fédéral et collectionneur Christoph Blocher s’est disputé avec Stefanini pour le dépôt de location d’un appartement et qu’il a plus tard acheté avec lui des œuvres d’Albert Anker aux enchères.
« Ce qui m’a fasciné chez Stefanini, c’est le cas d’un collectionneur maniaque aux moyens pratiquement illimités, ainsi que sa vie saturée d’histoire ». – Thomas Haemmerli
UN CURIEUX HÉRITAGE | CRITIQUE PAR DORIS SENN
C’est surtout dans les dernières années de sa vie que son nom a (re)fait la une des médias : Bruno Stefanini, né en 1924 à Winterthour et décédé en 2018. Cet entrepreneur milliardaire n’a pas seulement laissé ses biens immobiliers à loyer modéré se dégrader jusqu’à devenir dangereux pour la collectivité, sa passion maniaque pour les collections, qui l’amenait à acheter pratiquement tous les jours des œuvres d’art et des bibelots aux enchères, a également fait les gros titres. Bridé dans son enfance en tant que fils d’immigrés, le bon vivant Stefanini a réussi à s’élever au rang de magnat de l’immobilier grâce à son charme et à un brin d’espièglerie. Le réalisateur Thomas Haemmerli (SIEBEN MULDEN UND LEICHE), qui a l’expérience du messie, consacre un biopic amusant à ce personnage loufoque.
De la casquette de général de Guisan aux sous-vêtements de Sissi
On s’est rarement surpris à secouer la tête aussi souvent au cours d’un film : Une telle biographie, un tel personnage peuvent-ils vraiment être vrais ? Et ce, dans la Suisse bourgeoise des années soixante et soixante-dix ? UN CURIEUX HÉRITAGE – l’historien de Winterthour et biographe de Stefanini Miguel Garcia a conseillé le projet de film – déroule la biographie de cet excentrique de manière divertissante et avec une abondance d’images d’objets et d’archives adaptée au sujet. Sa collection comprenait un tableau de Hodler, une casquette du général Guisan – l’idole de Stefanini ! – et un arsenal de matériel de guerre de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux sous-vêtements de l’impératrice Sissi, autant d’objets prestigieux que grotesques. Outre sa brillante ascension, le film rend également hommage à sa vie privée, très libérée pour l’époque et les conditions locales. Il a hérité son flair pour l’immobilier de son père, qui était parti de rien. C’est de lui que Stefanini a reçu le capital de départ qui lui a permis de profiter de l’essor économique et de l’industrie du bâtiment en plein essor et d’amasser une fortune colossale. Néanmoins, tout au long de sa vie, il s’est montré aussi avare que généreux, aussi économe que dépensier.
L’héritage
Le cinéaste Haemmerli entrelace le récit de la vie avec une histoire contemporaine passionnante, qu’il s’agisse de l’histoire de la construction de Spreitenbach ou des magouilles financières du colonel Nyffenegger autour des fêtes de l’armée « Diamant ». Le film montre la diversité de la collection de Stefanini tantôt par des plans isolés, tantôt par de longs travellings : on découvre des étagères remplies de tableaux empilés et des halls de bunker remplis d’objets. Le réalisateur met en scène des témoins illustres de l’époque devant des écrans verts aux couleurs criardes – par exemple la fille de Stefanini, Bettina, son ex-femme Veronika, mais aussi Christoph Blocher ou Viktor Giacobbo – ce qui confère au film une touche esthétiquement criarde.
Résumé : UN CURIEUX HÉRITAGE fait revivre en images la biographie du cyclo immobilier de Winterthour et du collectionneur fantasque. Dans son documentaire plein d’entrain et d’humour, Thomas Haemmerli offre également, à travers ce contemporain excentrique, un aperçu passionnant de l’histoire de la construction, de la politique et des mœurs des années du miracle économique helvétique et des années suivantes.