La remarquable première réalisation d’Eva Victor a fait une percée au festival du film de Sundance de cette année. D’une honnêteté rafraîchissante et implacable, mais aussi sensible et légère, Eva Victor trouve une nouvelle manière de raconter des histoires sur les traumatismes. La réalisatrice elle-même brille dans le rôle principal par son interprétation subtile et pleine d’humour.
SORRY, BABY
SORRY, BABY | SYNOPSIS
Agnès, ancienne étudiante brillante, travaille aujourd’hui comme jeune professeure dans son université du Massachusetts et mène une vie retirée dans la campagne de Nouvelle-Angleterre. Elle et son voisin se sont rapprochés, mais elle ne se sent vraiment comprise que par sa meilleure amie et ancienne colocataire Lydie, qui vit à New York et lui rend visite de temps en temps. Agnès se bat en effet depuis des années contre le traumatisme laissé par une agression commise par son mentor universitaire de l’époque.
SORRY, BABY | AUTRES AVIS
«Un premier film convaincant et remarquablement fort à l’écran». – The Hollywood Reporter | «Un bijou de cinéma magistralement mis en scène – le premier film le plus impressionnant que j’ai vu cette année». – Vanity Fair | «Doux-amer, brillant et d’une drôlerie qui réchauffe le cœur : le film annonce une voix unique et trouve son public au-delà de Sundance». – Rotten Tomatoes
SORRY, BABY | CRITIQUE
Par Ondine Perier
Les chemins sensibles de la reconstruction
SORRY, BABY marque les débuts prometteurs d’Eva Victor derrière la caméra. Inspiré d’un drame personnel, ce premier film suit Agnes, jeune intellectuelle américaine en pleine reconstruction, après un passé que l’on devine douloureux. Avec tendresse et humour, la jeune réalisatrice signe un récit d’apprentissage délicat, drôle et profondément humain.
Une héroïne décalée et attachante
Dès les premières scènes, Agnes intrigue. Interprétée par la réalisatrice elle-même, elle oscille entre excentricité cérébrale et mélancolie contenue. Elle évoque tantôt Frances de FRANCES HA tantôt Marianne de NORMAL PEOPLE, tout en gardant une singularité troublante. Dans une maison de banlieue propice aux soirées plaid–films d’auteur, elle partage son quotidien d’étudiante avec Lydie qui bûche elle aussi sur sa thèse, amie fidèle et complice, dont la présence indéfectible offrira un horizon nouveau. Car Agnes cache une faille. Des flashbacks révèlent une agression survenue pendant ses années de thèse. Ce traumatisme, dont elle ne parle qu’à demi-mots, infuse le récit. Lorsqu’elle est convoquée comme jurée dans une affaire sensible, le passé ressurgit. C’est dans un échange inattendu avec un vendeur de sandwichs, après une crise d’angoisse en voiture, qu’elle se livre enfin. Cette scène, intitulée “L’année du bon sandwich”, incarne le ton du film : drôle et décalé malgré la dureté du propos.
Un récit en fragments, entre douleur et douceur
Eva Victor structure son film par étapes marquantes, presque comme des chapitres aux titres basiques ou absurdes, retraçant la trajectoire d’Agnes sur plusieurs années. Loin d’un récit linéaire, le montage en fragments permet de capter les nuances de la reconstruction : les silences, les faux départs, les retours de bâton. Face à elle, l’antagonique Natasha incarne le poison de la jalousie et du jugement. Mais SORRY, BABY est avant tout un film sur la résilience. Grâce à Lydie, Gavin le voisin bienveillant, et même Olga, le chaton qu’elle adopte, Agnes retrouve peu à peu sa place. L’amour, l’amitié et l’écoute deviennent des refuges durables. Les couleurs chaudes de cette petite ville universitaire renforcent l’impression d’un cocon réparateur, malgré les blessures.
Conclusion
Avec un humour fin et une écriture ciselée, Eva Victor parvient à faire rire, émouvoir et réfléchir. SORRY, BABY célèbre la complexité de l’âme humaine, la douceur de l’entraide, et le courage d’avancer malgré les cicatrices. Un premier film vibrant sur la force discrète de l’intime.