À l’occasion de la présentation de SALUT BETTY à la 31e édition du GIFF, le réalisateur suisse a répondu à nos questions sur le personnage derrière Betty Bossi : Emmi Creola – qui lui a inspiré son nouveau long métrage. Il est question son intérêt pour ce personnage féminin avant-gardiste et son combat sans oublier les bienfaits qu’elle a apportés sur notre société contemporaine. Une héroïne d’une modernité folle.
Pierre Monnard | SALUT BETTY
- Publié le 10. novembre 2025
«Pour moi Emmi Creola [fondatrice de Betty Bossi] était la première influenceuse suisse.»
SALUT BETTY | SYNOPSIS
En 1956, la Suisse est prise de passion pour la création d’Emmi Creola-Maag, la rédactrice publicitaire à l’origine de Betty Bossi. Découvrez la femme derrière la plus célèbre des cuisinières suisses !
SALUT BETTY | INFOS
Betty Bossi : une figure familière qui fait désormais partie du paysage culinaire helvétique. Vous connaissez son nom, vous suivez peut-être avec soin ses recettes, mais connaissez-vous son histoire ? En 1956, la rédactrice publicitaire Emmi Creola-Maag – campée par Sarah Spale, de retour chez Pierre Monnard après LES ENFANTS DU PLATZPITZ (2020) – est traversée par un éclair de génie : elle crée de toute pièce le personnage fictif de Betty Bossi. Outre la gestion de sa vie familiale et professionnelle, Emmi doit faire face au succès de sa création. Tout en révélant les coulisses d’un épisode méconnu du grand public, le réalisateur fribourgeois traite également d’une thématique toujours actuelle, celle d’une femme luttant pour ses idées et ses aptitudes dans un milieu essentiellement masculin. GIFF
Interview de Pierre Monnard par Ondine Perier
Peux-tu nous présenter le film en quelques mots ?
C’est une sorte de MAD MEN au féminin, qui raconte comment, en 1956, une femme nommée Emi Creola a inventé le personnage fictif de Betty Bossi, à Zurich, dans une agence de publicité.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de raconter cette histoire ?
Je viens d’une famille 100 % Betty Bossi ! Ma grand-mère et ma mère cuisinaient avec ses recettes, et j’ai grandi avec ce personnage sans jamais savoir qui l’avait créé. Un jour, je me suis rendu compte que je ne savais rien d’elle, et cette curiosité m’a poussé à creuser. C’est ainsi qu’est né le film.
Qu’as-tu découvert sur Emi Creola en travaillant sur le projet ?
C’était, à mes yeux, la première influenceuse suisse. Une femme d’une modernité incroyable, vivant en 1956 comme si elle était en 2025 : indépendante, ambitieuse, inventive. Elle devait composer avec un monde d’hommes, tout en étant mère et épouse. C’est une véritable héroïne des temps passés.
C’est ce portrait de femme libre qui t’a séduit ?
Oui, c’est avant tout une histoire d’émancipation. Emi a imposé sa patte dans un univers masculin et a même réussi à faire venir les hommes en cuisine — une révolution pour l’époque ! Si j’aime cuisiner aujourd’hui, c’est grâce à elle.
Le film s’inspire-t-il fidèlement de sa vie ?
Non, SALUT BETTY n’est pas un documentaire. C’est une fiction librement inspirée de son parcours. Nous avons consulté les archives de Betty Bossi, les documents familiaux, et rencontré sa fille, qui nous a beaucoup raconté cette époque. Beaucoup de choses sont vraies, mais nous avons condensé le récit : dans la réalité, il a fallu quinze ans pour imposer Betty Bossi ; dans le film, tout se déroule sur une période plus courte.
Quelles ont été les principales difficultés ?
La reconstitution historique, bien sûr : les années 50, les décors, les costumes, les objets… Mais c’était aussi un plaisir. L’autre défi était narratif : c’est avant tout une histoire d’amour et de couple, sans enjeux spectaculaires. On suit Emi et son mari Ernst, leur équilibre bouleversé par l’apparition de Betty Bossi. Le suspense, c’est de savoir si leur amour survivra à cette révolution domestique.
Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes générations ?
Le film dit qu’il faut “être en équipe”, comme le répète Emi. Pour concilier carrière, famille et amour, il faut que chacun mette du sien. L’émancipation passe aussi par la solidarité.
Y a-t-il eu un moment de tournage marquant ?
Oui, une journée en particulier : celle du grand plan-séquence de cinq minutes, au cœur du film. C’était notre climax. Beaucoup de personnages, de dialogues, une vraie chorégraphie. On n’avait qu’une dizaine de prises possibles et on a réussi à la neuvième. Une journée de pur plaisir et d’adrénaline.
Trois raisons d’aller voir SALUT BETTY en salle ?
Parce que c’est drôle, touchant et résolument moderne. Un film de 2025 qui se passe en 1956 !
On peut le comparer à certains films comme POTICHE ou POPULAIRE. Es-tu d’accord avec ces références?
Absolument. Ce sont deux films que j’adore. Comme POTICHE, SALUT BETTY raconte l’émancipation d’une femme dans un monde d’hommes. Et comme POPULAIRE, on y retrouve cette énergie, cette légèreté, ce rapport à l’écriture et à la machine à écrire. D’ailleurs, dans la réalité, Emi Creola était sténographe, une virtuose du clavier ! Sarah Spale, qui l’incarne, a appris à taper sur une machine des années 50. Elle jouait littéralement de l’Hermès Baby comme d’un instrument.
Le film est présenté au GIFF, un festival hybride entre cinéma et séries. Toi, quelle série t’a récemment marqué ?
THE STUDIO, sur Apple TV. Une satire du monde hollywoodien, hilarante et cruelle, qui résonne beaucoup avec notre milieu.
Et ton dernier coup de cœur cinéma ?
The American Society of Magical Negroes (SINNERS), un film malin qui aborde le racisme à travers la figure du vampire. Une façon intelligente et subversive de parler d’un sujet toujours brûlant.
Pour finir, travailles-tu déjà sur un nouveau projet ?
Oui, l’adaptation du roman «Sa préférée» de Sarah Jollien-Fardel. Un drame familial sur une femme qui tente d’échapper à l’emprise de son père violent. C’est une autre forme d’histoire d’émancipation, plus sombre.