Avec MY FAVOURITE CAKE (Keyke Mahboobe Man), le duo de réalisateurs iraniens Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha a réalisé un film à la fois simple et incroyablement fort – en apparence seulement. C’est une histoire d’amour émouvante, un cri de liberté et une accusation enflammée contre le régime meurtrier des mollahs. Quand avons-nous vu pour la dernière fois au cinéma une histoire d’amour aussi belle ?
MY FAVOURITE CAKE
MY FAVOURITE CAKE | SYNOPSIS
Mahin, 70 ans, vit seule à Téhéran depuis la mort de son mari et le départ de sa fille pour l’Europe. Un thé d’après-midi entre amis lui donne l’impulsion d’abandonner ses occupations solitaires et de réactiver sa vie amoureuse. Mahin ouvre son cœur à un nouvel amour. Une rencontre spontanée se transforme en une soirée surprenante et inoubliable.
Critique
Par Geri Krebs
Les histoires de personnes veuves vivant seules, qui aspirent encore à l’amour, au sexe et à la tendresse à la fin de l’automne de leur vie et qui n’en restent pas au stade de la nostalgie, restent rares au cinéma. A fortiori lorsque la personne qui cherche activement est une femme. Il y a un demi-siècle, ANGST ESSEN SEELE AUF était le titre d’un film du grand Rainer Werner Fassbinder – lui-même inspiré par ALL THAT HEAVEN ALLOWS de Douglas Sirk, réalisé vingt ans plus tôt, qui était ainsi infiniment en avance sur son temps. Le fait qu’un film iranien s’attaque à ce thème est déjà étonnant en soi – la répression sexuelle quasi pathologique fait en effet partie de l’ADN de la République islamique d’Iran. Si dans les mélodrames de Fassbinder et Sirk cités plus haut, les barrières sociales et les grandes différences d’âge constituaient des obstacles insurmontables à l’amour, dans le film de Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha, c’est tout simplement la réalité étouffante d’un régime qui s’immisce jusque dans les affaires les plus privées de ses sujets.
Le début d’un grand amour
La protagoniste septuagénaire s’appelle Mahin et a une progéniture adulte qui a quitté le pays depuis longtemps, comme chez Fassbinder et Sirk. Parmi eux, une fille qui vit à l’étranger, mais qui ne songerait pas à donner des instructions à sa mère sur son mode de vie – ici, c’est l’État qui s’en charge. Lorsque Mahin fait la connaissance de Fatramaz, un chauffeur de taxi à la retraite du même âge – un homme timide au cœur bon mais fragile – il a du mal à croire qu’à son âge, une femme puisse non seulement l’aborder, mais aussi l’inviter chez elle. Une merveilleuse histoire d’amour pourrait commencer ici. Mais les conditions ne sont pas les mêmes au royaume des mollahs.
« Ne gâchez pas votre vie ».
Il n’est pas du tout question de politique dans MY FAVOURITE CAKE. Et pourtant, le film parvient à transmettre de manière tout à fait incidente la peur constamment présente dans laquelle les gens sont contraints de vivre en Iran. Par exemple, lorsqu’on voit dans une scène les précautions que prend la femme lorsque l’homme vient chez elle. Dans une seule scène, le film devient explicitement politique, et l’on retient son souffle en voyant le visage fasciste du régime iranien apparaître aussi ouvertement à l’écran. « Vous êtes jeune, ne gâchez pas votre vie », dit Mahin, qui se promène dans un parc, au policier des mœurs dont l’uniforme noir évoque de fatals souvenirs et qui surveille, la mine figée, le “travail” de son collègue et de ses deux collègues enveloppées dans des voiles noirs intégraux. Ces dernières sont en train de traîner deux jeunes femmes hurlantes dans un fourgon de détention parce qu’elles n’ont pas porté leur foulard correctement. Mahin parvient à empêcher qu’une troisième jeune femme soit également arrêtée.
Conclusion : le régime iranien est un régime qui empêche la vie et qui rend hommage à la mort, c’est le message de MY FAVOURITE CAKE et c’est ce que le film transmet sans aucun pathos, mais avec d’autant plus de force.