20 ans après avoir enflammé les tabloïds pour sa « May-December romance » avec un élève mineur de 23 ans son cadet, Gracie (Julianne Moore) accueille dans son entourage Elizabeth (Natalie Portman) qui doit interpréter son rôle au cinéma.
MAY DECEMBER
Todd Haynes façonne pour Natalie Portman une enquête psychologique aussi belle qu’angoissante.
MAY DECEMBER | Synopsis
Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.
MAY DECEMBER | Autres Avis
«À mi-chemin entre du Claude Chabrol et du John Waters, le nouveau long-métrage de Todd Haynes, présenté en sélection officielle, est un bijou de subtilité et d’humour.» – Les Inrockuptibles | «Mystérieux et à multiples facettes, le nouveau long-métrage de Todd Haynes fait éclore une nouvelle fois le talent redoutable et envoûtant de ses deux comédiennes principales : Natalie Portman et Julianne Moore. Un des films les plus originaux de la sélection cannoise de 2023.» – àVoir-àLire | «Un fascinant duo d’actrices sous la caméra virtuose de Todd Haynes
qui orchestre la rencontre vertigineuse de deux femmes, dont l’une doit jouer le rôle de l’autre.» – Télérama
Critique d’Abel Zuchuat
Enquête & Mimèsis
Dans un jeu de miroir qui éveillerait presque le « Black Swan », persona maléfique de Natalie Portman, Todd Haynes façonne pour elle une enquête psychologique aussi belle qu’angoissante.
Todd Haynes transgresse à nouveau
Après un film pour enfants, un thriller environnemental et un documentaire, voilà huit ans que Todd Haynes n’avait pas bousculé ainsi les codes. Dans « Carol » (2015), il se vengeait du code Hays en même temps qu’il enfreignait les conventions narratives du mélodrame classique en présentant une histoire d’amour homosexuelle de manière émouvante et inattendue. Cette année à Cannes, « May December » s’inscrit comme le renouveau transgressif du réalisateur de la contre-culture américaine.
La désobéissance formelle de Haynes tient moins au choix d’un thème réflexif, les récits traitant du jeu d’acteur·ice n’étant pas chose nouvelle au cinéma, qu’à sa direction encore une fois très singulière face aux normes du mélodrame. Là où le film aurait pu détailler grossièrement les névroses des personnages en dramatisant leurs jeux et dialogues, il préfère mettre en scène une fausse sobriété au bord de la rupture. Dans un environnement calme et froid, et pas moins esthétique, Julianne Moore et Charles Melton interprètent avec brio cette forme de retenue inquiétante et mystérieuse, qu’Elizabeth cherche à percer à jour. Plus qu’une simple actrice, elle est accompagnée dans ses recherches par les leitmotivs oppressants de Todd Haynes, aussi bien visuels que sonores : longs zooms inquisiteurs et musique d’enquête tirée du « Messager » (1971) de Joseph Losey, accentuant l’effet énigmatique de cette quête psychologique. Une fois la glace brisée, apparait sur l’écran l’empreinte des traumatismes enfouis ; manifestation d’un danger latent qui plane constamment dans le hors-champ.
Natalie Portman au sommet de son art
C’est de ce danger que se nourrit le long du récit Elizabeth. Interprète avide des plus infimes détails, elle cherche à dépasser la performativité au profit d’une mimèsis totale jusqu’à des instants de transe presque angoissants, une transformation que Haynes métaphorise par l’image des chenilles qu’élève Joe, devenant finalement papillons. La palette que propose Natalie Portman est à ce titre époustouflante, l’actrice oscarisée en 2011 étant à nouveau nominée cette année pour la palme d’or. Ne peuvent alors passer inaperçus ni ce long monologue face caméra durant lequel l’artiste évolue du sérieux aux larmes avec une aisance déconcertante, ni la conclusion du film – première scène du tournage du biopic –, plan séquence où cette dernière répète obsessionnellement la même scène en variant subtilement son jeu ; personnage, interprète et actrice poussée au sommet de son art.
Conclusion
Moins mélodramatique que thriller psychologique, « May December » frappe fort. La mise en scène de Todd Haynes et le jeu particulièrement impressionnant de Natalie Portman réussissent à nous entraîner dans une quête mentale étrangement captivante. Si aucune palme ne vient décorer ni le réalisateur ni les interprètes, les huit minutes de standing-ovation à la fin de l’avant-première – oui, c’est beaucoup – devraient néanmoins leur rappeler que le public a toujours raison.