Avec 13 JOURS, 13 NUITS, Martin Bourboulon signe un film tendu et humain, inspiré de l’opération d’exfiltration menée par l’armée française lors de la chute de Kaboul en 2021. À travers le personnage du commandant Bida, il explore l’héroïsme discret, les dilemmes moraux et la solitude des décisions. Le réalisateur revient sur la genèse de ce projet fort et engagé. «Les rôles que l’on me propose sont plus passionnants maintenant qu’il y a 15 ans». Roschdy Zem évoque sa carrière.
MARTIN BOURBOULON & ROSCHDY ZEM | 13 JOURS, 13 NUITS
- Publié le 26. juin 2025
«Quand nos forces françaises font quelque chose de juste et humain, on peut en être fier.» MARTIN BOURBOULON
13JOURS, 13 NUITS | SYNOPSIS
Kaboul, 15 août 2021. Alors que les troupes américaines s’apprêtent à quitter le territoire, les Talibans prennent d’assaut la capitale et s’emparent du pouvoir. Au milieu du chaos, le commandant Mohamed Bida et ses hommes assurent la sécurité de l’ambassade de France, encore ouverte. Pris au piège, le commandant Bida décide de négocier avec les Talibans pour organiser un convoi de la dernière chance avec l’aide d’Eva, une jeune humanitaire franco-afghane. Commence alors une course contre la montre pour conduire les évacués jusqu’à l’aéroport et fuir l’enfer de Kaboul avant qu’il ne soit trop tard.
Interview d’Ondine Perier
MARTIN BOURBOULON
Pouvez-vous nous raconter comment est né ce projet ?
Le film est né d’une collaboration naturelle : Ardavan de Pathé (co-producteur) a proposé l’idée à Dimitri Rassam (co-producteur), qui me l’a transmise. Je travaille avec eux depuis plus de dix ans. C’est mon sixième film avec Pathé, et j’avais déjà travaillé avec Dimitri sur d’autres projets. On cherchait un sujet plus contemporain, différent de ce qu’on avait fait auparavant. Ce projet s’est imposé comme une suite logique.
Pourquoi vous propose-t-on souvent des films ambitieux ?
Je ne sais pas, c’est une question pour les producteurs. Moi, j’aime penser au spectateur. J’assume de faire des films pour le public, quel que soit le genre. J’ai commencé avec une comédie (PAPA OU MAMAN), puis fait LES TROIS MOUSQUETAIRES, et maintenant ce film très différent. Je veux garder une exigence de cinéma, tout en m’adressant à un large public.
Quelle part de romanesque avez-vous apporté au film et notamment au personnage du commandant Bida?
Dans ce film, on voulait raconter l’histoire vraie du commandant Bida, sans rien inventer. Tous les faits sont authentiques : l’attaque contre les hélicoptères, le convoi, l’attentat à l’aéroport, la mort de la jeune soldate américaine. On s’est interdit toute invention. Même les détails comme le prénom de la femme de Bida sont exacts.
Aviez-vous le casting en tête au moment de l’écriture ?
Le choix de Roschdy Zem s’est imposé naturellement. Dès la lecture du livre, j’ai pensé à lui. Pour Lyna Khoudri, je la connaissais déjà pour avoir travaillé avec elle sur LES TROIS MOUSQUETAIRES. Elle a une grande capacité à jouer des rôles très différents. Ces deux acteurs étaient essentiels pour donner humanité et justesse au film.
Comment s’est passé le travail avec la figuration massive marocaine, notamment le fait de jouer des afghans ?
Jouer des Afghans n’a pas été difficile, sauf pour certains qui refusaient d’incarner des talibans. Le reste a été très bien organisé. La foule, le décor, tout devait être crédible pour que le spectateur y croie. Mais dans cette foule, il fallait aussi garder le fil de notre héros, Mohamed. C’est grâce aux équipes marocaines très compétentes – qui géraient notamment la figuration colossale – que j’ai pû me focaliser sur le jeu d’acteurs et la mise en scène.
Le film montre une image positive de l’armée française.
Oui, c’était important pour moi. Quand nos forces françaises font quelque chose de juste et humain, on peut en être fier. Il y a cette phrase que j’aimais beaucoup : « Ouvrez les portes. On ne peut pas prendre le risque que des gens se fassent tuer devant l’ambassade française. » Cela dit beaucoup des valeurs que je défends.
Vous montrez la solitude du commandant face à sa responsabilité et prise de décision, faites-vous un parallèle entre le travail de Mohamed Bida et celui d’un réalisateur ?
Oui, c’est comme un skipper de bateau, il faut prendre des décisions seul, garder la direction, même si on doute. Il ne faut pas montrer ses hésitations, car l’équipe compte sur nous. J’ai voulu montrer cela dans le film, ces moments de solitude, ces coulisses où l’on craque parfois.
Pendant le tournage, il m’est arrivé de douter, bien sûr. Mais je ne cache pas mes interrogations, tant que ça ne freine pas l’avancée du projet. Sur des films comme LES TROIS MOUSQUETAIRES ou celui-ci, l’organisation est immense, il faut savoir trancher vite.
Quelques mots sur l’ambiance du tournage ?
Elle était studieuse. Ce n’est pas parce qu’on tourne une comédie qu’on rit tout le temps, ni parce qu’on filme un drame qu’on est constamment tendus. On travaille sérieusement, on met les acteurs dans les bonnes conditions, mais il n’y a pas de tension permanente.
Pouvez-vous nous donner trois adjectifs pour décrire le film ?
Captivant, haletant et humain.
ROSCHDY ZEM
Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet de Martin ?
C’est un film engagé, et j’aime ça. On a retravaillé le personnage avec Martin. Je voulais qu’il ait des failles : doute, isolement, une main qui tremble. Pas un héros classique, mais un homme plus humain.
Après tous ces rôles variés, cette carrière dense, qu’est-ce qui vous motive encore à jouer ?
Les rôles que l’on me propose sont plus passionnants aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Les rôles me poussent à explorer des choses en moi, parfois inconnues. C’est une forme de thérapie, même si on ne réussit pas toujours.
Le commandant Bida vous rappelle-t-il d’autres rôles ?
Oui, il ressemble un peu à Daoud, le flic de ROUBAIX, UNE LUMIÈRE (d’Arnaud Depleschin). Tous deux sont pudiques, seuls, mais généreux.
Vous êtes aussi réalisateur. Êtes-vous intervenu dans les choix de réalisation avec Martin ?
Non. Réaliser demande de la préparation à laquelle je ne participe pas en tant qu’interprète. Sur un tournage, je reste acteur.
Avez-vous travaillé avec Mohamed Bida en amont pour l’incarner au plus juste ?
J’ai d’abord travaillé seul. Le scénario était clair. Je voulais un jeu organique. La rencontre avec Mohamed est venue ensuite, pour parfaire mon travail sur le rôle.
Le rôle très physique vous a t-il demandé un travail de préparation ?
Oui, mais ce n’était pas le plus important. Le corps m’aide à être disponible émotionnellement. Comme un danseur, je m’entraîne pour mieux jouer.
Changer de rôle demande-t-il aussi une préparation physique ?
Oui. Mon corps est mon outil. Comme un musicien fait ses gammes, je m’entraîne tous les jours.
Et sur le plan mental ?
Chaque rôle est unique. Il faut trouver ce qui change. Je me documente, je rencontre des gens, j’observe, je peux aussi m’immerger dans une profession. Les détails du quotidien font la différence.
À quoi ressemblent vos (rares) journées hors tournage ?
J’aime m’ennuyer. Ça stimule l’imaginaire. J’ai découvert ça récemment, peut-être à cause du confinement. Je n’ai pas de réseaux sociaux. Et j’apprends la guitare, juste pour le plaisir.
Voyez-vous une différence entre les cinéastes expérimentés et la nouvelle génération ?
Oui. Les réalisateurs expérimentés prennent leur temps, c’est un luxe utile. Les jeunes, eux, sont décomplexés. Ils foncent, ils essaient. Ils n’ont pas de complexe de l’imposteur dès lors qu’ils ont quelques chose é dire. Ils ont un rapport naturel à l’image et à la technique du fait de la technologie omniprésente.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre prochain tournage ?
Je vais tourner cet été un second rôle dans Billie Melody, premier film de Christine Paillard justement. Elle avait co-réalisé LE PRINCIPAL avec Chad Chenouga_ (rôle principal incarné par R.Zem Ndlr)_. Là, elle est seule à la réalisation.
Pouvez-vous nous donner trois mots pour donner envie de voir 13 JOURS, 13 NUITS ?
Humain, intense, nécessaire.
En phase avec ceux de Martin ! Merci à vous deux !