Six ans après la sortie du très réussi LE GRAND BAIN, Gilles Lellouche revient à la réalisation et sur la croisette avec L’AMOUR OUF, mais cette fois en Compétition Officielle. Ce film très ambitieux, présenté comme une grande histoire d’amour romantique ultra-violente sur 20 ans, sera l’un des événements de 2024.
L'AMOUR OUF
Adèle Exarchopoulos et François Civil jouent les amoureux dans le second film de Gilles Lellouche, en sélection officielle à Cannes.
Le scénario de Gilles Lellouche, d’après le livre de Neville Thompson, est coécrit avec Ahmed Hamidi, Julien Lambroschini et Audrey Diwan.
L’AMOUR OUF | SYNOPSIS
Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c’est l’amour fou. La vie s’efforcera de les séparer mais rien n’y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur…
Critique d’Ondine Perier
Doté d’un casting impressionnant : Adèle Exarchopoulos, François Civil, [Mallory Wanecque, Malik Frikah – les deux jeunes révélations du film], Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Alain Chabat, Élodie Bouchez, Raphaël Quenard, et Jean-Pierre Zadi, tous excellents dans leurs rôles. Le film nous plonge d’emblée dans une ambiance explosive, avec une scène d’ouverture intense où Clotaire (François Civil), crâne rasé, regard hargneux marche d’un pas déterminé suivi de près par sa bande de voyous, prêts à en découdre. Leur rencontre avec un autre gang dans un port du nord se traduit évidemment par une violence sanglante et une énergie brute. Le ton est donné.
L’adolescence sublimée par un regard nostalgique
La première partie du film raconte une adolescence vibrante d’émotions et de fougue, dans un univers à la Roméo et Juliette des temps modernes. Jackie, ambitieuse et sérieuse, tombe sous le charme de Clotaire, un jeune homme perdu qui a quitté l’école pour commettre des petits larcins avec son frère et une bande de bras cassés. L’alchimie entre eux est évidente, et la caméra de Lellouche suit ces deux jeunes avec une agilité mouvante qui capte leur passion, leur insouciance, et leur découverte de l’amour. On rit beaucoup, notamment grâce à des dialogues pleins d’esprit et de tendresse, aussi entre Jackie et son père – extrêmement proche et complices. Ce contraste avec la famille de Clotaire, où la violence paternelle règne, enrichit l’intrigue et participe à l’empathie de ce jeune bad boy au regard ravageur. Lellouche démontre un talent pour filmer la nostalgie. Chaque détail, des costumes aux accessoires (K7, walkman, bandanas), en passant par la bande-son, est soigné pour évoquer un passé révolu. Les scènes de lumière baignées de joie contrastent avec le ton plus sombre qui s’installe après une éclipse, moment charnière qui marque un tournant dans le récit.
Des dialogues au cordeau servis par des interprétations toutes impeccables
Des références subtiles à La Fontaine viennent parsemer l’histoire avec humour et pertinence, notamment à travers Jackie, dont l’intelligence et les répliques cinglantes illuminent l’écran. Clotaire, quant à lui, est presque mutique, mais son amour pour Jackie est palpable dans chacun de ses gestes. Une scène en particulier, où il vole un plateau de Flambys, le dessert préféré de Jackie, pour le lui livrer à la cantine, est à la fois hilarante et touchante. Cependant, la violence refait surface chez Clotaire, et la prison devient inévitable. Sans révéler de spoilers, le changement de casting et la transition vers une tension plus palpable sont remarquablement bien orchestrés. La caméra se fait plus fixe, le rythme plus intense, et les rixes plus sanglantes. L’humour, bien que plus discret, est toujours là, en grande partie grâce aux performances de Raphael Quenard et Jean-Pascal Zadi, qui apportent un souffle de légèreté dans ce monde de brutes.
Chaque second rôle est finement caractérisé, et c’est là l’une des grandes forces du film. Les personnages secondaires sont loin d’être des figurants. Chacun d’eux apporte une contribution significative à l’intrigue, renforçant l’idée que L’AMOUR OUF est une œuvre collective, où chaque maillon compte.
Pour conclure, avec L’AMOUR OUF, Gilles Lellouche confirme son talent de metteur en scène. Ce film, à la fois romanesque, haletant et émouvant, célèbre l’amour fou, celui qui nous percute au lycée, nous renverse et reste gravé dans nos mémoires. Il nous donne envie de revivre notre premier amour et de plonger à nouveau dans ce tourbillon d’émotions.