D’après le roman d’Éric Reinhardt, « L’amour et les forêts » publié aux Éditions Gallimard, récompensé en 2014 du Prix Renaudot des Lycéens et du Prix du Roman France Télévisions.
L'amour et les forêts
Critique d'Ondine Perier du dernier film de Valérie Donzelli en sélection Festival Cannes Première 2023
L’amour et les forêts | Synopsis
Quand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.
L’amour et les forêts | Autres Avis
“La cinéaste gradue avec intelligence le drame à venir et retranscrit sans caricature toute l’ambiguïté duale de la séduction de Grégoire, servi ici par un Melvil Poupaud remarquable.” – La Septième Obsession | “A la cohérence du parti pris esthétique, s’ajoute la précision entomologique avec laquelle le film observe le mécanisme de l’emprise.” – Le Monde | “Ce drame intime, qui flirte avec le thriller hitchcockien, aborde un sujet périlleux avec une intelligence remarquable : l’emprise et les violences conjugale, psychologique et physique, à travers un mécanisme insidieux qui prend progressivement au piège l’héroïne pour la broyer.” – Le Journal du Dimanche
Un film sombre et éprouvant sur l’emprise d’un mari sur sa femme, qui délivre un message fort sur la condition féminine. Le couple est admirablement incarné par une Virginie Efira impressionnante de naturel et un Melvil Poupaud terrifiant.
Critique d’Ondine Perier
Un scénario habilement écrit sur le mécanisme implacable de l’emprise
Valérie Donzelli (“La guerre est déclarée”, “Notre-Dame”) s’est emparé du bouleversant roman d’Eric Reinhardt sorti en 2014 avec l’aide d’Audrey Diwan (“L’événement”) au scénario. Les scénaristes ont décortiqué le mécanisme de l’emprise avec la même finesse tout en prenant des libertés par rapport au récit initial. Ainsi contrairement au lecteur, le spectateur assiste à la rencontre entre Blanche et Grégoire lors d’une fête d’amis. L’approche de Grégoire s’avère charmante et son pouvoir de séduction et sa douceur font vite chavirer Blanche. Leurs nuits torrides et leurs échanges littéraires (Blanche enseigne le français) témoignent d’une certaine osmose. Blanche vit son idylle pleinement. Elle confie sa joie et ses sentiments à sa mère attentive et aimante et à sa sœur jumelle primesautière et complice. Une gaité émane des premières scènes, on pense même aux “Demoiselles de Rochefort” tant la légèreté et l’amour flottent dans l’air. Mais la réalisatrice nous met dès le début dans un état de suspicion vis à vis de Grégoire : le film démarre sur la mine défaite de Blanche dans le bureau de son avocate (Dominique Reymond, impeccable). Le film alterne ainsi des scènes de présent dans ce bureau et des flash-backs sur les différentes étapes qui ont amenée Blanche à témoigner. Chaque phrase prononcée par Grégoire éveille ainsi le doute jusqu’à glacer le sang. Lorsque la grossesse survient puis le déménagement, la stratégie de Grégoire semble limpide : s’approprier sa femme et l’isoler pour mieux la contrôler. Chaque pas franchi par Blanche vers son émancipation va attiser l’animosité de Grégoire : nouveau boulot, temps passé avec ses collègues, acquisition d’une voiture. « Je te veux que pour moi » lui dit Grégoire, le danger plane. Melvil Poupaud incarne subtilement le double jeu du parfait salaud, mari possessif, jaloux, violent, et à la fois capable de grande tendresse avec ses enfants. Lorsque Blanche parvint à s’extraire de cette emprise mortifère le temps d’une après-midi, Grégoire déploie alors une stratégie de torture psychologique effrayante.
Une atmosphère étouffante digne d’un grand thriller domestique
Les moments de complicité dans l’intimité du couple cèdent assez rapidement la place aux interrogatoires et reproches de la part de Grégoire, qui doute en permanence de la parole de sa femme. Blanche est constamment dérangée dans son quotidien par les appels incessants de Grégoire. Cette sonnerie de téléphone tout comme la musique inquiétante (composée par le grand Gabriel Yared) qui accompagne les scènes pivot participent à l’effroi ressenti. Le décor de la maison cossue et douillette joue aussi un rôle important dans la sensation d’étouffement : toutes les pièces semblent communiquer, même seule, Blanche tremble et se sent épiée. Si Hitchcock est souvent invoqué pour décrire la tension quasi omniprésente du film, il y a aussi des similitudes avec “L’enfer” de Chabrol où François Cluzet atteint d’une jalousie maladive torturait sa femme jouée par Emmanuelle Béart. L’intrigue, même si on en connaît l’issue, parvient à tenir le spectateur constamment en haleine. On assiste au processus de destruction de ce mari tortionnaire avec une haine grandissante envers lui et une empathie de plus en plus vive pour Blanche, qui se bat malgré tout. C’est aussi une des grandes forces du film de ne pas enfermer son personnage féminin dans un cliché de femme victime et soumise. On vit les scènes avec Blanche, donc souvent pétrifié. Mais la bienveillance des personnages secondaires apporte des moments de respiration salutaires, qui sauvent de l’asphyxie.
Pour conclure : “L’amour et les forêts” est un film extrêmement éprouvant de part la mise en scène qui nous plonge au cœur de cette emprise. Virginie Efira crève à nouveau l’écran dans ce film sombre qui résonne comme une mise en garde. Melvil Poupaud en authentique salaud tient la dragée haute à l’actrice belge.